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Commentaire de Joe Liqueur

sur La laïcité, un principe constitutionnel en danger !


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Joe Liqueur 24 octobre 2010 10:07

Je n’ai pas lu le dernier livre de Mélenchon mais par contre je suis de près le "travail programmatique" du P"G". Et j’ai bien vu ceci :

http://programme.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=category&id=7:chapitre-4—sortir-du-traite-de-lisbonne&Itemid=10

… qui est cohérent avec ce que Mélenchon semble dire dans son livre.

Encore une fois, j’admets que Mélenchon évolue dans le bon sens, mais je trouve qu’il est encore très loin de tirer toutes les conséquences de ses prises de position. Il admet aujourd’hui que les vagues mesures économiques proposées par son parti sont incompatibles avec les traités européens, et appelle à la "désobéissance européenne" immédiate (reprenant ainsi les réflexions du M’pep). C’est déjà bien.

Cependant, note que le P"G" appelle à sortir du traité de Lisbonne, non pas à sortir de l’UE. C’est plus qu’une nuance, contrairement à ce qu’on peut croire au premier abord. Le P"G" continue d’invoquer une "autre Europe", la même rengaine qu’on nous sert depuis plus de trente ans. Et leurs mesures protectionnistes, ils veulent les mettre en place à terme dans le cadre de l’UE. Ce n’est pas sérieux. Ils parlent de "protectionnisme international et solidaire" : très bien, c’est l’esprit de la Charte de la Havane ; mais cela suppose que les Etats soient réellement souverains ! Ils appelleraient à sortir de l’OMC, ils appelleraient à la constitution d’une nouvelle OIC (qui pourrait reprendre le flambeau de la CNUCED), ça ferait tout de suite un peu plus de gauche. Ils veulent taxer dans un premier temps les "entreprises délocalisatrices", en France. Mais ça n’a aucun sens à moins de mettre en place des mesures protectionnistes globales. Le remède serait pire que le mal, cela condamnerait encore plus sûrement les entreprises en question. Ce qu’il faut, c’est ré-industrialiser, y compris en rebâtissant une industrie manufacturière digne de ce nom, dans le textile, dans l’électronique, etc. Et aussi se mettre en quête de nouvelles matières premières dont nous pourrions disposer souverainement (mais ça non plus, ils n’en parlent pas). Ils veulent se contenter d’"arrêter les négociations engagées pour de nouveaux accords de libre-échange", alors qu’il faudrait carrément inverser la vapeur - les accords actuels vont déjà beaucoup trop loin ! Les mesures à long terme, du type "œuvrer à la mise en place d’une fiscalité sur les importations aux frontières de l’Union incitant à la relocalisation de l’économie" ou "proposer la mise en place d’un « Fonds Solidaire d’aide à la relocalisation de l’économie et de lutte contre les délocalisations » en remplacement du fonds d’Ajustement à la Mondialisation" sont tout simplement grotesques. Comment on fait pour convaincre nos 26 partenaires européens ? Encore une fois, cela prouve bien que le P"G" se refuse totalement à envisager une sortie unilatérale de l’UE, qui serait pourtant la première mesure à adopter pour restaurer la démocratie en France. Cette possibilité est pourtant prévue par le Traité de Lisbonne (article 50) et aussi (surtout) par la Convention de Vienne (article 62).

C’est pareil sur cette page-ci :
http://programme.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=53:51-restaurer-la-souverainete-industrielle-de-la-france&catid=5:chapitre-2—partager-les-richesses&Itemid=10

Là on parle bien de "relocaliser", le problème c’est que pour relocaliser il faut bien mettre place des mesures protectionnistes globales ! Or ils repartent dans leur délire d’’autre Europe" avec le "bouclier douanier européen". Pour relocaliser l’industrie en France, pour éviter les délocalisations et les "licenciements boursiers", il faut un bouclier douanier aux frontières de la France… Dès lors les salariés n’auraient même plus besoin d’un "droit de veto" contre les délocalisations. Il leur servira à quoi, ce droit de veto, s’ils continuent d’être en concurrence avec des travailleurs prêts à faire le même boulot pour un salaire cinq ou dix fois inférieurs, en attendant que 27 pays tombent d’accord par miracle sur de nouveaux traités et sur un bouclier douanier commun, autant dire en attendant les calendes grecques ? (au fait, on trouve des salaires cinq fois inférieurs au sein même de l’UE, et même en Allemagne ; jamais entendu parler des tristement célèbres "jobs à 1 euro" ?) Ce droit de veto ne changerait rien : les salariés auraient le choix entre le chômage tout de suite ou le chômage bientôt ; ce serait déjà un petit progrès, mais fondamentalement ça ne changerait rien. Il faut de vraies mesures macro-économiques, mises en œuvre souverainement par la France. Le reste est foutage de gueule.

A propos de mesures macro-économiques, je n’ai pas encore lu les 177 fiches, mais je suis prêt à parier que le Fd"G" évite soigneusement d’appeler à des nationalisations de grande ampleur, y compris sectorielles, avec mise en place de grands monopoles d’Etat. J’ai déjà constaté que ce n’est pas le cas pour l’industrie pharmaceutique, ni pour le secteur bancaire, ni pour l’enseignement ; je n’ai rien vu non plus concernant les réseaux de communications (FAI, opérateurs de téléphonie). J’ai bien vu passer une renationalisation des autoroutes… C’est bien que Mélenchon veuille revenir sur les forfaitures perpétrées par un gouvernement dont il faisait partie (Jospin…), mais c’est quand même un peu court quand on se réclame du socialisme, du vrai. A un moment Mélenchon voulait nationaliser Total. Bon OK, c’est bien, mais ça manque un peu d’ambition tout ça. Sur les services publics gratuits, je n’ai vu que les 40 premiers mètres cubes d’eau. Même remarque. Où sont les transports en commun gratuits ? Ils se veulent pourtant écolos aussi…

Par contre il y a des crèches gratuites, et ça, c’est bien :
http://programme.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=33:31-creation-dun-service-public-daccueil-de-la-petite-enfance&catid=4:chapitre-1—refondation-republicaine&Itemid=10

Là franchement, j’applaudis. C’est un enjeu très important pour la liberté des femmes (ça vient juste après le droit au travail, et les deux sont même liés). Là-dessus leurs propositions sont à la hauteur.

Mais pour le droit au travail, on n’y est pas du tout. J’ai bien noté que le droit au travail était désormais cité explicitement. Mais plutôt comme référence historique… Là encore, il y a une déclaration très vague ("La République que nous voulons devra donc inscrire le droit au travail dans la réalité"), et puis rien de concret derrière. Note que sur cette page, le droit au travail ne figure pas dans les propositions :

http://programme.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=67:65-combattre-les-licenciements&catid=5:chapitre-2—partager-les-richesses&Itemid=10

Comme par hasard. Et rien de plus ici :

http://programme.lepartidegauche.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=69:67-un-nouveau-service-public-de-lemploi&catid=5:chapitre-2—partager-les-richesses&Itemid=10

C’est comme pour le protectionnisme : on se contente de "combattre les licenciements" comme on se contente de "combattre les délocalisations", or c’est un peu court quand 5 millions de nos concitoyens sont DEJA au chômage et quand des pans entiers de notre industrie sont DEJA délocalisés. Autrement dit le P"G" s’adresse essentiellement aux Français qui ont ENCORE un CDI à temps plein ou un poste de fonctionnaire. Pas aux chômeurs et aux précaires. Désolé, pour vous c’est trop tard…

Néanmoins, globalement, il y a quelques idées dans ces 177 propositions. Je ne dis pas que c’est totalement nul. Je dis que c’est à peine plus socialiste que chez DLR, que ce n’est pas plus souverainiste, donc pas plus démocratique, et que c’est terriblement vague, et même souvent retors.

Enfin je reviens sur la question de la laïcité vue par Peña-Ruiz. D’abord, le coup du "voile de la soumission" et du bonnet phrygien, c’est carrément indigne d’un professeur, c’est du terrorisme intellectuel, c’est une injure à la pensée. Je crois même que c’est bien pire qu’un apéro saucisson-pinard, c’est pour ça que ça me fait doucement rigoler quand ils prennent bien soin de prendre le maximum de distance avec Riposte laïque.

Comme tu n’as visiblement pas bien saisi le sens de ma réponse à Peña-Ruiz, je me répète : si on affirme très simplement que la République ne reconnaît aucun culte ni aucune croyance, alors :

-La liberté de conscience va de soi ;

 L’égalité de traitement de toutes les convictions spirituelles ET DES NON-CONVICTIONS va également de soi ;

 Quant à l’universalité de la puissance publique, on peut se la garder par exemple pour des SERVICES PUBLICS GRATUITS RELEVANT DU MONOPOLE D’ETAT.

Je te propose un exemple concret qui illustre très bien, je trouve, la façon dont l’esprit radical de la laïcité est détourné à des fins inavouables (ces derniers temps c’est toujours sur les musulmans que ça tombe, tu as remarqué ?) :

Le coup de l’interdiction des "signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse"… Eh bien cet article L141-5-1 du Code de l’éducation est un monstre juridique. Si la République ne reconnaît aucun culte, comment peut-elle légiférer sur des "signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse" ? Ce que je veux dire, c’est que si on est vraiment laïque, on peut éventuellement interdire LE PORT D’UN COUVRE-CHEF, ou LA DISSIMULATION DU VISAGE (du moins dans les lieux publics relevant de l’Etat), mais en aucun cas légiférer sur des "signes religieux", sur le "voile" ou sur le "voile intégral" (Mélenchon l’a d’ailleurs un jour lui-même souligné sur son blog, si je me souviens bien, comme quoi…). Par ailleurs, si on a compris quelque chose aux libertés individuelles et à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, on ne peut en aucun cas interdire la dissimulation du visage dans l’espace public (la rue, pour faire bref). Car quelqu’un qui dissimule son visage dans l’espace public, qu’il s’agisse d’une femme musulmane, d’un gamin qui se déguise en fantôme pour Halloween, ou d’un motard qui se protège du froid avec une cagoule et une écharpe, NE NUIT PAS A AUTRUI. Et tant que ce citoyen, ou cet étranger, ne nuit pas à autrui, il a le droit de faire ABSOLUMENT TOUT CE QU’IL VEUT (article 4 de la DDHC de 1789/article 6 de la DDHC de 1793). Voilà pourquoi les discours du P"G" m’inquiètent parfois. Je ne peux pas accepter qu’un parti républicain (sans même parler de gauche) commence à céder du terrain, ou même à manquer de rigueur, sur des questions aussi fondamentales que la laïcité ou les libertés individuelles. A ce propos, rien vu non plus concernant la légalisation des drogues dans les 177 propositions… Ils veulent continuer à "lutter-contre-le-trafic-de-drogue". Ah ah ah. Décidément, ils ne sont pas trop sévères avec l’industrie pharmaceutique privée.

Et je ne peux pas non plus accepter qu’un parti républicain "oublie" d’appeler à une sortie immédiate et unilatérale de l’UE. C’est juste une question de démocratie ; il s’agit de nos droits politiques !

Je ne peux pas non plus accepter qu’un parti qui se prétend de gauche et même socialiste (a fortiori) "oublie" de défendre réellement le droit au travail.

Concernant l’UPR, un programme est en préparation. Et en attendant il y a déjà une charte qui appelle très clairement à la sortie unilatérale de l’UE. Note que l’UPR est un rassemblement national transpartisan, ouvert à tous, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, qui vise à faire sortir la France de l’UE au plus vite. Par conséquent, la question du programme ne se pose pas dans les mêmes termes que pour un parti "normal" engagé à gauche ou à droite. Je pense que le programme sera forcément du genre gaulliste social, et modéré à tout point de vue. De toute façon ce sera un programme de transition, qui a priori ne comprendra que des mesures destinées à accompagner la sortie de l’UE et à prendre les premières mesures de rétablissement économique. Attention, l’UPR ne se présente surtout pas comme un parti "ni de gauche ni de droite", ou "au-dessus des clivages" ou je ne sais quelle foutaise du même genre. Au contraire, l’UPR appelle les Français à se rassembler indépendamment de leurs opinions politiques, non pas afin d’effacer leurs divergences, mais au contraire afin de pouvoir les faire à vivre à nouveau dans le monde réel… une fois que la France sera sortie de l’UE. Il ne s’agit pas de nier les clivages politiques, il s’agit au contraire de faire en sorte que ces clivages puissent à nouveau se manifester. En bref, l’UPR a un programme très clair : restaurer la démocratie en France. Si ça te laisse de marbre…


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