En ce qui concerne les prières musulmanes sur la voie publique, rien ne les interdit a priori si elles ne contreviennent pas à l’article 97 (*) du Code de l’administration communale (article 27 de la loi du 9
décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat).
La question n’est donc pas de savoir
s’il est contraire ou pas à la Laïcité que des musulmans prient dans les
rues. La question est de savoir pourquoi ils le font et pourquoi les maires concernés ne prennent aucune mesure à ce sujet.
Ces musulmans prient-ils sur la voie
publique par prosélytisme ou tout simplement parce qu’ils ne disposent
pas de lieux de culte en nombre suffisant ?
Ces maires sont-ils laxistes ou sont-ils conscients que toute interdiction serait génératrice de troubles à l’ordre public ?
La réponse va de soi : ces musulmans
prient sur la voie publique parce qu’ils ne disposent pas de lieux de
culte décents en nombre suffisant et parce que les maires concernés
préfèrent circonscrire ces phénomènes à une ou deux rues plutôt que de
mettre le feu au poudre par une interdiction.
Ce qui précède appelle d’autres interrogations.
Pourquoi ces lieux de culte sont-ils peu
nombreux alors que les communes gèrent un nombre important d’églises
désaffectées qui pourraient fort bien être louées à des associations
cultuelles musulmanes ? Pourquoi ne pas faire application de l’article 5
de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes ?
Pourquoi ces mêmes associations
cultuelles musulmanes se heurtent-elles aux pires difficultés
administratives pour pouvoir acquérir un terrain à bâtir ?
Et lorsque ces mêmes associations
cultuelles parviennent à acquérir un terrain à bâtir pour pouvoir y
édifier une mosquée, pourquoi rencontrent-elles des difficultés pour
obtenir un permis de construire ?
Pourquoi la Laïcité empêcheraient-elle
donc les musulmans de notre pays de jouir librement des mêmes droits que
les fidèles des autres cultes ?
Là aussi la réponse va de soi mais on ne le dit jamais clairement dans le débat public dans la mesure où ces questions sont systématiquement esquivées.
C’est parce que l’Islam est perçu avant tout comme un élément exogène à
la société française et comme une menace. En outre, beaucoup de maires
pensent d’abord à leur réélection.
La Laïcité n’a pas été instaurée en
France pour esquiver en permanence les problèmes religieux mais pour s’y
coltiner et y répondre le plus rationnellement et le plus efficacement
possible.
Pourtant, c’est précisément à ce niveau là que le pouvoir interventionniste de la République
fait cruellement défaut : au nom de la Laïcité, la République est
fondée à gérer les cultes et leurs pratiques sur le territoire national
pour que les individus puissent disposer d’infrastructures (lieux de
culte, instances religieuses) nécessaires à leur libre épanouissement.
Contrairement à une légende tenace, la
République ne vit pas dans l’ignorance du fait religieux sur le
territoire national, car même dans un régime de séparation, l’Etat a
besoin d’interlocuteurs.
C’est notamment le travail du ministre de l’Intérieur et des Cultes.
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(*) L’article 97 relatif au pouvoir de police du maire a été repris et
étoffé dans les articles L.2212-2 et suivants du code général des
collectivités territoriales.