Sans être un spécialiste ni de la philosophie ni de Rousseau, je crois pouvoir dire, à partir du peu que j’ai lu de son oeuvre, que c’est une erreur de le classer parmi les idéalistes / "classiques". Tout tend à montrer au contraire qu’il est matérialiste.
Par exemple, lorsque le conférencier explique (45’) que, dans une logique matérialise, la technique conditionne historiquement l’ordre social, Rousseau dit exactement la même chose dans l’Essai sur l’origine des langues.
Il suffit d’ailleurs de cerner le fondement anthropologique de Rousseau pour s’en convaincre. Celui-ci est notamment explicité dans le Contrat social (I, II) lorsqu’il dit : "[La] première loi [de l’homme] est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même, et, sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à se conserver devient par là son propre maître."
Le dernier chapitre du Contrat social (De la Religion civile) est une illustration du matérialisme de Rousseau, car il montre une thèse en contradiction avec l’universalisme rationaliste dominant de son siècle, en prônant au contraire un différentialisme historique.
"La fantaisie qu’eurent les Grecs de retrouver leurs dieux chez les peuples barbares, vint de celle qu’ils avaient aussi de se regarder comme les Souverains naturels de ces peuples. Mais c’est de nos jours une érudition bien ridicule que celle qui roule sur l’identité des Dieux de diverses nations ; comme si Moloch, Saturne et Chronos pouvaient être le même Dieu ; comme si le Baal des Phéniciens, le Zeus des Grecs et le Jupiter des Latins pouvaient être le même ; comme s’il pouvait rester quelque chose commune à des Êtres chimériques portant des noms différents !"