Nous
pensons que vivre a toujours lieu dans le présent et que mourir est
un événement qui nous attend dans un avenir lointain. Mais nous ne
nous sommes jamais demandé si la bataille quotidienne de nos
existences peut vraiment s’appeler vivre. Nous voulons des preuves de
la survivance de l’âme, nous écoutons les déclarations des
voyants, et les résultats des recherches métapsychiques, mais
jamais, au grand jamais, nous ne nous demandons comment vivre,
comment vivre dans la délectation et l’enchantement d’une beauté
quotidienne.
Nous
avons accepté que la vie soit cette agonie et cette désespérance :
nous nous y sommes habitués, et nous pensons que la mort doit être
soigneusement évitée. Mais cependant, la mort est
extraordinairement semblable à la vie lorsque nous savons vivre. On
ne peut vivre sans, en même temps, mourir. On ne peut pas vivre sans
mourir psychologiquement toutes les minutes. Cela n’est pas un
paradoxe intellectuel, je dis bien que pour vivre complètement,
totalement, chaque journée, en tant qu’elle présente une beauté
toute neuve, on doit mourir à tout ce qu’était la journée d’hier,
sans quoi on vit mécaniquement et l’on ne peut savoir ce qu’est
l’amour, ce qu’est la liberté.
(...)