@ Éric Guéguen. Je suis tout
sauf sectaire et je ne juge pas les gens sur les boîtes auxquelles ils semblent
appartenir ou dans lesquelles on les place plus ou moins malgré eux ou dans lesquelles
ils se mettent eux-mêmes. En conséquence, j’entends tout à fait et sans a
priori ton expérience que tu as jugée positive du service militaire et d’ailleurs,
j’ai un très bon copain qui l’a vécu peu ou prou comme toi, tant mieux pour vous,
une fois encore c’est dit très sincèrement sans aucun jugement négatif dissimulé,
j’espère juste que tes subordonnés en gardent un aussi bon souvenir que toi mais
je n’y étais pas, je me garderai donc bien de te faire un procès infondé.
Mais évidemment la
question du service n’était pas celle-là, elle est comme toujours (du moins
avec moi, je le concède) celle de la liberté individuelle. Il y a un monde
entre permettre une expérience que chacun en fonction de sa personnalité pourra
trouver plus ou moins profitable ou plus ou moins inutile voire nuisible et détestable
et imposer à chacun ladite expérience. C’est je crois comme cela et uniquement
comme cela que pouvait se poser le problème et surtout pas dans un sectarisme d’un
camp ou de l’autre qui consisterait à dire de façon définitive et avec des œillères
"le service c’est nul !" ou "le service c’est trop bien !".
Personnellement, je
pratique le sport à un niveau qui fait qu’il est contraignant et si, en tant qu’être
libre et responsable, je continue à m’imposer ces contraintes, c’est que je
juge que cela m’apporte suffisamment de choses par rapport à l’investissement
que ça me coûte. Très bien pour moi et ça m’appartient. Si demain on vient me
dire "le sport, c’est un truc de con, t’es con !", je n’aurai
que peu d’estime pour l’ouverture d’esprit et la curiosité de mon
interlocuteur. Mais, ou plutôt de la même façon, si demain une société
hygiéniste (comme l’est de plus en plus la notre) imposait à chacun une
pratique sportive exigeante, je trouverais ça terrorisant et de tout façon
absolument inepte.
Petit un parce qu’on est
tous différents comme le rappelle la sagesse populaire et que certains comme
moi vont trouver leur équilibre (enfin, une partie de leur équilibre, ça va, l’essentiel
de ma vie n’est pas là tout de même) dans le sport et d’autres dans le fait de
se laisser pousser le bide un verre de Cognac dans une main et une cigarette
dans l’autre, et alors ?, comme dit la sagesse populaire de nouveau :
il faut de tout pour faire un monde et pour ma part, je considère la différence
comme une richesse et certainement pas un problème à mâter (version droite
autoritaire) ou à rééduquer (version gauche à la Caroline Fourest).
Petit deux parce que
même si on arrivait à démontrer que la pratique sportive intensive serait absolument
bénéfique à tous, accepter la liberté et la responsabilité individuelle, c’est
accepter parfaitement qu’un individu libre et responsable puisse, en ce qui le
concerne (je ne parle pas d’aller taper à coups de barre de fer sur ses voisins
bien sûr), être tout à fait dans l’erreur. Nous revenons d’ailleurs là au sujet
de ces vidéos, la liberté d’expression, c’est aussi et peut-être avant tout
(disons que sinon c’est trop facile) le droit de dire des conneries, ou plus
exactement de dire des choses que celui qui est en face considère comme des
conneries.
Petit trois enfin, de
toute façon, oblige des gens qui n’en ont pas vraiment envie à tremper leur cul
dans une piscine pendant 1 h et demi tous les jours et je te garantis pour l’avoir
vu des milliers de fois et pour continuer à le voir en permanence, que tu peux
revenir dix ans plus tard et qu’ils nageront toujours comme des merdes et ces
heures passées dans l’eau ne serviront absolument à rien si ce n’est à les
faire chier, à froisser mon sens esthétique (parce que règle numéro 1 : l’eau
est ton ami, en conséquence, évite de lui donner des grands coups de pieds et
des grands coups de bras comme si ton seul but était d’arroser tout le monde autour,
ça te donne peut-être l’impression d’être très énergique mais il n’y a aucune
chance qu’un jour tu avances vite comme cela…) et à surpeupler les bassins.
Quant à créer demain un homme nouveau qui aura universellement le désir absolu
de nager comme je l’ai, les quelques régimes politiques qui ont caressé ce rêve
(pas de créer des nageurs bien sûr, mais des hommes nouveaux qui penseraient "bien")
ont simplement enfanté les pires régimes politiques de l’Histoire.
Qu’on me laisse nager,
ne pas faire mon service militaire, baiser sans capote, me baigner sous drapeau
rouge et surtout écrire ce que j’écris comme je pense qu’il faut que je l’écrive,
je ne demande que ça et – c’est le sens de tout mon travail – je suis persuadé
que cette incarnation purement individuelle donne naissance à une richesse
collective, modeste si vous voulez, on verra vous comme moi (enfin, nos petits-enfants)
ce qu’en dira la postérité, mais en tout cas ô combien concrète.