@llsalv
J’ai l’impression que vous n’avez pas regardé la vidéo.
La critique que vous adressez aux philosophes jargonnants et enfermés dans leur
monde conceptuel, elle est présente dans la vidéo. Vous avez une démarche qui n’est
pas très honnête intellectuellement, à savoir que vous réduisez d’abord la
philosophie à une annexe de la science pour ensuite la discréditer : qui a
dit que la philosophie devait se cantonner à la vulgarisation scientifique ?
Mais admettons que la philosophie se réduise à l’épistémologie. Dans ce cas,
même si son champ d’action est réduit et même si c’est une activité qui n’est
pas réservée aux seuls philosophes mais une activité à laquelle peuvent s’adonner les
scientifiques eux-mêmes, cela veut dire qu’elle existe. Ou alors on fait comme
monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir en faisant de l’épistémologie
sans le savoir. Cette position philosophique qui s’ignore me fait penser à la
supposée fin de l’histoire…
Et que faites-vous de la philosophie politique ? La
science nous dit-elle ce que nous devons faire ? Rend-elle toute réflexion
éthique obsolète ? Un scientifique peut connaître la physique de l’atome
et les risques encourus par l’usage de l’énergie nucléaire. Mais est-ce à lui
de décider de la construction de centrales nucléaires ?
Je suis d’accord avec vous sur le fait que la philosophie
a tendance à s’enfermer dans l’érudition et qu’elle n’est souvent,
malheureusement, qu’un jeu de l’esprit pour intellos qui se vouent à cette discipline
en jouant avec les concepts comme on jouerait aux échecs, en étant déconnectés
du réel. Je le déplore, mais je ne vais pas pour autant jeter le bébé avec l’eau
du bain. En tant que réflexion et en tant que recherche de la vérité, la
philosophie n’est pas morte. Elle est morte en tant que système délivrant des
connaissances scientifiques, mais elle n’est certainement pas morte dans sa
fonction socratique – ce que j’appelle l’hygiène de la pensée – qui consiste à
dénoncer les dogmatismes, les préjugés, les sophismes et les paralogismes, à
mettre au jour les fondements implicites de nos opinions et de nos idées, bref à
faire un usage sain de sa raison. Si vous rejetez l’usage critique de la raison
qui est, que vous le vouliez ou non, philosophique, vous tombez dans le
scientisme et la technocratie, et alors le totalitarisme n’est plus très loin.