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Commentaire de microf

sur Interview : Nathalie Yamb


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microf 19 septembre 2020 11:18
Interventions militaires françaises en Afrique
58 interventions militaires françaises en Afrique depuis les années d’indépendances dans 24 pays

Source : ASFAPA


jeudi 20 février 2020
L’indépendance des pays en Afrique n’a pas été accompagnée par les anciennes puissances coloniales d’une aide à l’industrialisation et aux infrastructures nécessaire à l’essor économique des pays leur permettant d’obtenir une véritable souveraineté économique, politique et culturelle. Ce qui était la moindre des choses après un siècle de pillage des ressources naturelles et d’exactions sur les populations. Les prétextes de ces interventions sont à peu près tous les mêmes : « respect des accords de défense », mais aussi « protection des ressortissants français » ou encore « maintien de la stabilité face au risque de chaos », quand bien même s’agissant de la « stabilité » d’une dictature prédatrice. Depuis août 2014 c’est "la lutte contre le terrorisme" qui prévaut à l’opération Barkhane qui se déploie à sa guise dans 5 pays officiellement indépendants. La France n’a d’ailleurs pas hésité à sortir de son pré carré pour étendre son influence à d’autres pays que ses anciennes colonies (Zaïre-RDC, Burundi, Rwanda, Guinée équatoriale).

Ces interventions militaires de quelques semaines pour certaines, à plusieurs années pour d’autres, ont eu pour effets de maintenir sur leur siège des chefs d’Etats contestés ou de les en éjecter, voire de les assassiner. Ce fut aussi le moyen de porter des coups graves aux oppositions « indésirables », dont nombre de dirigeants ont été assassinés. Les grands groupes comme Bolloré, Total, Orange Bouygues, Aréva etc...ont pu poursuivre leurs affaires en Afrique. Mais tous ces déploiements guerriers n’ont apporté ni la paix ni la stabilité dans les pays concernés et le pire est arrivé avec la désastreuse aventure militaire de Sarkozy en Libye. Elle a conduit à la dissémination de l’arsenal d’armement dans les mains des groupes islamiques et de leurs alliés touaregs du MNLA, qui ont pris rapidement sous leur coupe le Nord du Mali, ce qui n’est pas pour déplaire à la France qui a toujours espoir de voir se réaliser le rêve de De Gaulle d’un « État sahélien » à sa botte.

Feuille de route de la Grande muette

Aux opérations des diverses unités de l’armée sont venues s’ajouter celles du COS (Commandement des Opérations Spéciales) placé sous l’autorité directe du Président de la République. L’opération Barkhane est en quelque sorte la fille naturelle de cette stratégie. Mise en place officiellement « pour une meilleure réactivité face à la menace terroriste », son déclenchement n’a pas été présenté au vote du Parlement, pas plus que sa prolongation au-delà de quatre mois comme le prévoit la Constitution française. Les unités de 4500 soldats actuellement présents (bientôt renforcée de 200 hommes) se déploient à leur guise depuis août 2014 dans les 5 pays de la bande sahélienne. Barkhane est même un obstacle pour l’armée malienne qui n’a pas accès au Nord du pays ni dans à Kidal où les groupes armés du MNLA circulent comme certains groupes terroristes. Les populations des pays concernés, après avoir espéré que l’armée française les débarrasserait des bandes criminelles qui sèment la terreur, manifestent aujourd’hui pour réclamer son départ ainsi que de la MINUSMA. Un « affront » que n’a pas supporté notre Chef des armées, Emmanuel Macron. Il a immédiatement convoqué les cinq chefs d’Etat africains dans la base parachutiste de Pau afin « qu’ils clarifient et formalisent leurs demandes à l’égard de la France et de la communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence et ont-ils besoin de nous ? Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions. » (...) ils devront « apporter des réponses précises sur ces points ; leurs réponses sont aujourd’hui une condition nécessaire à notre maintien. » Quel mépris ! Quelle humiliation assumée par ces cinq indignes représentants de pays indépendants. Les manifestants africains dans les rues de Pau ont réfuté toute légitimité à ces « Préfet-godillots de la France » pour donner une réponse aux injonctions de Macron.

L’occupation militaire du Sahel et le soutien non dissimulé au MNLA (qui revendique l’indépendance du Nord Mali) ne sont pas sans rapport avec les richesses que recèle la région en matières premières (uranium, or, pétrole...).

Réponse militaire à une question de politique économique et sociale. Cherchez l’erreur.

Le chaos organisé auquel on assiste est la suite des conditions des décolonisations auxquelles se sont ajouté dix ans plus tard, les mesures d’ajustements structurels imposées par le FMI et la Banque mondiale, traduites dans les budgets des États par des coupes sombres dans les dépenses sociales et de sécurité. D’où l’affaiblissement du rôle des États, jusqu’à leur déliquescence pour certains, devenus incapables d’assumer leurs fonctions régaliennes de protection des frontières, des services d’éducation et de santé.

Dans une présentation de leur livre Nouvelles guerres , Bertrand Baddie, professeur à l’Institut d’Études Politiques de Paris et Dominique Vidal, journaliste et historien, évoquent ce nouveau type de guerres qui se développe, particulièrement en Afrique, et l’évolution de la société vers une société guerrière. « La guerre n’est plus une compétition entre puissances mais un phénomène lié à la précarité, à la pauvreté, à la faiblesse sociale. (...) La guerre devient le principal tissu social, là où ont échoué les institutions, l’État, le contrat social, la construction nationale. La guerre produit une économie qui se révèle florissante pour beaucoup d’acteurs, beaucoup d’agents ; la guerre devient également un espace de mobilisation, mais pire encore, la guerre devient une protection sociale. (...) La faillite économique et sociale des États permet et nourrit cette dérive pour une population désœuvrée. En Afrique, sur 200 millions de jeunes 75 millions sont au chômage. En enrôlant des combattants et en créant tout un tas d’emplois connexes, la guerre devient un moyen d’effacer la pression du chômage, donne la possibilité de se vêtir, de se nourrir, de se loger, de porter un uniforme, d’être respecté, d’avoir l’impression dérisoire d’exister. » « Penser qu’une armée puisse remettre de l’ordre là où le désordre provient de la décomposition sociale est un non sens. Et penser que l’instrument militaire puisse être un rempart à la faiblesse, à la pauvreté, à la précarité, c’est-à- dire aux principaux facteurs de guerre aujourd’hui, est totalement absurde.(...) le grand danger de ces interventions militaires dans les pays du Sud, c’est qu’elles nourrissent la violence davantage qu’elles ne la suppriment. »

La sortie de l’enlisement de cette situation de chaos organisé ne peut s’entrevoir en dehors de décisions politiques qui touchent à :

 une réforme du fonctionnement de l’ONU et en particulier du Conseil de sécurité avec la prééminence des cinq membres permanents déterminée à la fin de la 2ème guerre mondiale ; l’arrivée depuis les indépendances d’une cinquantaine de pays d’Afrique doit y trouver sa place. Le droit de véto n’a plus lieu d’exister, il est source de blocage dans les conflits anciens comme la Palestine, le Sahara occidental et la Syrie.

 L’Union Africaine doit pour sa part jouer tout son rôle dans la prévention et l’apaisement des conflits sur le continent où le dernier conflit de décolonisation au Sahara occidental doit aboutir au référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.

 L’insécurité sociale vécue par les populations du continent ne peut être éradiquée sans le fonctionnement des institutions des Etats aujourd’hui défaillants, qui devront remettre en place de véritables services publics dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la défense nationale et de la sécurité publique. C’est une nécessité universelle au Sud comme au Nord. La Paix du monde en dépend.


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