Sinon,
je ne vois pas comment on peut réfuter que les crimes soient déterminés socialement,
ce n’est pas comme si on n’en savait rien, il y’a tout de même eu d’innombrables
débats, controverses et publications criminologiques à ce sujet depuis la fin
du XIXème siècle.
Pour
commencer, il ne faudrait pas confondre le déterminisme social avec le fatalisme
ou la destinée, ce n’est pas une sorte de puissance qui fixerait de façon
irrévocable certains comportements. Le déterminisme social est un déterminisme
probabiliste : selon son milieu social, une personne aura plus ou moins de
probabilités d’être régulièrement confrontée à telle ou telle situation qui
contribuera à la mener à avoir certains comportements spécifiques. D’où l’apparition
de régularités statistiques.
-Si
on prend le cas de l’évasion fiscale, on retrouve très majoritairement des gens
des classes moyennes supérieures et au-delà, parce qu’avoir de l’épargne est la
condition pour réaliser ce crime financier. Et il y’a des études qui montrent qu’une
baisse conséquente de la pression fiscale va considérablement diminuer la
fréquence de l’infraction. Avoir de l’épargne + la pression fiscale a ici l’effet
d’un déterminisme social de ce crime.
-Si
on prend le cas du vol avec violence, on ne va pas nier que le gain économique
est au cœur de cette activité criminelle, ce n’est pas pour rien qu’elle est
très majoritairement le fait de gens ayant une origine sociale défavorisée (que
l’on estime par les conditions socio-économiques de celui qui commet l’acte
mais aussi de ses parents) qui s’y adonnent pour pallier une situation de
privation. Des études américaines montrent qu’il y’a une différence spectaculaire
entre le taux de récidive des criminels qui viennent des prisons qui ont mit en
place des programmes de formation, d’accompagnement et d’insertion professionnelles
et ceux qui viennent des prisons où ces programmes sont peu utilisés. Parce qu’une
fois réinséré professionnellement, la situation de privation s’efface. Cette situation
de privation a l’effet d’un déterminisme social.
Il n’y
a pas que la privation évidemment. S’il est vrai que le développement
économique d’un pays est négativement lié à la criminalité, de manière
significative, il faut rajouter que plus un pays est inégalitaire, plus son
taux de criminalité sera fort. Autrement dit, plus l’écart entre les riches et
les pauvres se creuse, plus ces derniers ont de chance d’adopter des
comportements violents. Il y’a aussi la question de l’urbanisation. Au Brésil
pour ne prendre que cet exemple, il y’a des zones rurales extrêmement pauvres
et pourtant le taux de criminalité est incomparablement plus élevé en ville.
Vivre dans les zones à très forte densité de population augmente les
stimulations aux inégalités et les expériences frustrantes, augmente les opportunités
de vols avec violence alors qu’inversement la présence policière, l’amélioration
de l’éclairage public, de l’architecture, l’installation d’alarmes,
l’amélioration de la technologie de sécurité va les diminuer. La densité, la
présence de gardien, l’architecture etc., tout cela constitue des déterminismes
sociaux du vol avec violence. On pourrait en rajouter beaucoup d’autres comme l’existence
d’un marché de l’objet volé, l’existence d’objets à forte valeur ajoutée de
plus en plus aisés à subtiliser car de plus en plus petits, la démocratisation
du travail des femmes, les chocs culturels (oui, la culture n’est pas un
facteur économique mais le social ne se réduit pas à l’économique), l’explosion
des cadres familiaux etc.
Et
je rajoute que ce n’est pas parce qu’il n’y a des déterminismes sociaux qu’ils
sont uniques et qu’il n’y en a pas d’autres. La criminologie est
multidisciplinaire, c’est-à-dire
qu’elle utilise d’autres sciences comme la biologie, la psychiatrie, la
psychologie, la sociologie, le droit, l’histoire etc.