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Commentaire de Lucy

sur Simone Veil : "la loi Gayssot est une erreur"


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Lucy Lucy 29 septembre 2021 14:25

Partie 2

Le contexte national de l’époque a son importance, notamment avec les prémices de la campagne référendaire pour le traité de Maastricht, et donne une idée de l’art de la politique pratiquée par les élites. Intéressons-nous aux faits, rien qu’aux faits, et non aux idées reçues ou aux rumeurs habilement diffusées par tel ou tel groupe ou parti politique. Malgré la volonté des responsables de la communauté juive locale de ne pas ébruiter l’acte sacrilège, la profanation de trente-quatre sépultures juives dans le cimetière de Carpentras le 9 mai 1990 est révélée par les médias le lendemain. Quelques heures à peine après la diffusion de la nouvelle, le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe se rend sur les lieux, entouré d’un cortège de journalistes. Aucun périmètre de sécurité n’est déployé pour la recherche d’indices et pièces à conviction permettant d’identifier les responsables. Au milieu des stèles renversées, le cimetière sera foulé par plus d’une centaine de personnes. À faire frémir les inspecteurs de « NCIS : Enquêtes spéciales ». Assez rapidement, le Front national alors en pleine ascension (dont deux dirigeants locaux appartiennent à la communauté juive) est montré du doigt, accusé à demi-mot – et à tort – de l’acte odieux. Le coupable est livré à la vindicte populaire et les médias s’emparent aussitôt de l’affaire pour faire monter la tension, trop contents de l’aubaine. Des manifestations sont organisées sur le territoire pour protester contre le racisme et l’antisémitisme. Le défilé parisien réunit les ténors de la classe politique, de l’extrême gauche trotskiste au RPR, et les associations de défense aux côtés de 100.000 à 200.000 manifestants entre République et Nation, le parcours sacré pour les combats de la gauche depuis le début du siècle ! Pour la première fois depuis la Libération, le président de la République française en personne, François Mitterrand, en tête de cortège. Une manifestation dans une ambiance bonne enfant, où une effigie du leader du Front national portant l’inscription « Carpentras, c’est moi » est brûlée sur la place publique. Le défilé est retransmis en direct sur six chaînes de télévision et, selon Yves Bertrand, directeur des Renseignements généraux de 1992 à 2004, son itinéraire avait été modifié à la demande du président. Les dirigeants communautaires avaient prévu d’organiser la manifestation autour d’un office religieux à la Grande Synagogue de Paris, dénouement d’une marche recueillie de la Concorde à la rue de la Victoire, près de l’Opéra. L’affaire de Carpentras était devenue une affaire d’État. Après avoir contribué à l’émergence du Front national en instaurant une dose de proportionnelle aux législatives de 1986 (mais surtout pour sauver la représentation socialiste à l’Assemblée après le tournant libéral de la rigueur de 1983, conduisant à la première cohabitation), il s’agissait de couper son élan avec le « front républicain » décrété par les loges franc-maçonnes en déroulant le plan qui rendait impossible toute alliance électorale avec la droite parlementaire (le FN représentait 15 % de l’électorat en 1990). Plus question pour la droite, dès lors, d’accepter l’équivalent de ce que les socialistes ont toujours pratiqué avec le Parti communiste et l’extrême gauche : des désistements mutuels au second tour. Un concentré de bonheur ! Le fait divers fut une formidable opération de communication et de rassemblement de la gauche « unie », mais son exploitation immonde s’avéra être une opération de diabolisation « démocratique » montée de toutes pièces. Le Front national fut blanchi de toute implication dans l’affaire en 1996, mais personne ne se soucia véritablement du verdict prononcé six ans après les faits, excepté les coupables – des skinheads locaux d’un groupuscule d’extrême-droite (la vraie) appelé le Parti national français et européen (PNFE) – et les personnes qui avaient porté le chapeau jusque-là. La propagande avait entre-temps fait son œuvre et l’objectif avait été atteint. Ce rappel de l’Histoire illustre pour les plus jeunes, les bien-pensants ayant toujours du mal à se rendre à l’évidence, que le mensonge d’État, ou, à minima, la manipulation scandaleuse de l’opinion publique n’était pas l’apanage des USA. Ne parlons pas des militants, qui ont cette propension bien naturelle à occulter la réalité si la promotion de leurs idées ou les intérêts du parti sont en jeu. L’esprit critique reste primordial pour faire des choix politiques éclairés, d’autant plus essentiel que les acteurs politiques actuels sont grosso modo les mêmes et les ficelles utilisées toujours aussi discrètes. Comme le disait Goebbels : « Plus c’est gros et plus ça passe ». Quelques mois à peine après l’affaire de Carpentras était orchestré un autre mensonge d’État de l’autre côté de l’Atlantique avec le témoignage bouleversant d’une soi-disant infirmière retransmis en direct sur le réseau national américain, en réalité la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington, faisant basculer l’opinion publique en faveur d’une intervention armée contre Saddam pour répandre la démocratie…


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