Enkidu, ce que vous dites est juste du point de vue de l’oreille classique (le jazz est devenu une forme du classicisme). Nikki Yanofski chante merveilleusement bien, avec une puissance fluide, avec justesse et élégance. Cependant, en musique comme dans tous les autres arts, il existe d’autres valeurs que la beauté classique. Pour le dire d’une manière affreusement simplifiée, il existe une "beauté de la laideur", un charme du rugueux, une magie de l’imperfection. Je suis aussi capable d’apprécier la beauté lisse des belles techniciennes de la chanson jazz, comme je peux être charmé par le "beau chant" de la tradition lyrique italienne. Mais je trouve par ailleurs quelque chose dans un groupe comme Archive, ou dans la musique rock en général que je ne trouve pas ailleurs : une certaine tension, une manière de mettre la beauté au bord du précipice de la laideur, quelque chose qui parle à mes couilles, à ma matière brute, à mes cavernes sombres. Et finalement, ce n’est même pas liée à la "modernité" (concept un peu fumeux servant de prétexte à la médiocrité) car je crois que ces deux tendances traversent toute l’histoire de l’art.