Pesticides : les victimes réunies en association
Une association nationale regroupant les professionnels (paysans,
horticulteurs, employés municipaux) malades à la suite de l’usage de
pesticide est née hier en Charente.
Ils sont venus de toute la France à Ruffec. Malgré la maladie qui les
mine (différents types de cancers, Parkinson…), parfois au nom de
proches décédés ou dans la souffrance. Une quarantaine d’agriculteurs
étaient réunis hier au centre culturel La Canopée pour la naissance de
Phyto-victimes, association nationale destinée aux professionnels
victimes de pesticides et à leur famille.
Outre les paysans, à
qui on pense tout de suite - notamment après avoir vu le documentaire de
Marie-Monique Robin diffusé sur Arte mardi (1) - tous ceux qui ont
utilisé des pesticides dans leur métier et qui en subissent les
conséquences sur leur santé sont concernés par l’association : c’est le
cas des horticulteurs, par exemple, ou des employés municipaux chargés
des espaces verts.
Le but de l’association est « de soutenir moralement les victimes,
mais aussi de les soutenir dans leurs démarches. Il faut commencer par
appeler les bonnes personnes au bon endroit », indique Paul François,
l’agriculteur charentais de la région de Ruffec connu pour avoir « osé »
intenter un procès à Monsanto, après une grave intoxication liée à
l’usage d’un herbicide.
Son avocat (parisien), Me François
Lafforgue, était présent hier pour expliquer à l’assistance les
différentes procédures qui s’ouvrent devant une victime afin de faire
reconnaître sa maladie comme maladie professionnelle, et de faire valoir
ses droits et obtenir des compensations.
« Défendez-vous, ne
vous laissez pas bouffer. Et pensez à vos familles derrière » a jeté
comme un cri la veuve de Yannick Chenet, viticulteur
charentais-maritime, décédé en janvier d’une leucémie reconnue comme
maladie professionnelle. En début de matinée, Paul François avait
indiqué que la journée serait dédiée à Yannick Chenet.
Paul
François espère que l’existence de l’association « accélérera le
recensement des victimes, le processus de prise de conscience et
bouscultera un peu les politiques », qui ont tendance à écouter les
propos rassurants des fabricants de pesticides.
Il souhaite
aussi, que grâce à Phyto-victimes (2), les agriculteurs « arrêtent de
culpabiliser. Ils n’ont fait qu’employer des produits homologués. Mais
jamais les firmes n’ont testé les produits mélangés. Or dans une
carrière, un agriculteur peut utiliser 500 molécules différentes… »
Les
paysans sont des gens responsables, insiste Paul François, ils ont
changé leurs pratiques. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut laisser
tomber les malades.
Molécules des années 70/ 80
Hier
à Ruffec, le parallèle avec l’amiante est revenu souvent. Ainsi, ce
n’est pas parce que l’amiante est interdit aujourd’hui qu’il faut
laisser les malades à leur sort et cacher le lien entre leur mal et leur
ancien métier.
« Pensez amiante ! », a lâché Annette Le Toux,
médecin du travail agricole, qui est intervenue la première dans la
matinée. Employée par la MSA, cette femme qui fait honneur à son métier,
a insisté sur les délais qu’il peut y avoir entre l’usage des molécules
(celles des années 70 et 80, désormais interdites) et l’apparition
d’une maladie.
Elle a aussi mis en avant l’importance pour les
malades de se signaler auprès du réseau Phyt’attitude. Les tableaux
officiels de maladies professionnelles intègrent peu de produits
utilisés par les agriculteurs. Il y a toute une jurisprudence à établir.
Il faut aussi aider les médecins et chercheurs qui travaillent sur le
sujet a établir les liens de cause à effets.
Plusieurs des
paysans qui étaient hier aux côtés de Paul François ont vu leur maladie
déclarée comme professionnelle. Ils ont pleinement conscience d’avoir,
par leur combat, ouvert la voie.
(1) La réalisatrice était
vendredi à Salles-de-Villefagnan (16). (2) contact :
victimes.pesticides@ gmail.com et bientôt un site internet :
www.phyto-victimes.fr