Concernant
les biotechnologies, le biologiste Henri Atlan a écrit
nombre d’articles sur l’utérus
artificiel.
Selon lui (et j’ai tendance à le croire au regard des faits)
la dynamique contemporaine, en matière de reproduction, est caractérisée par la
déconnexion progressive entre sexualité et natalité. Il annonce une nouvelle étape dans ce
processus : l’utérus artificiel. Il estime que l’UA (Utérus
artificiel) sera disponible dans quelques décennies. Les difficultés
sont grandes, mais la faisabilité est d’ores et déjà acquise. En octobre 2002, une conférence
internationale tenue à l’université de l’Oklahoma s’intitulait : « La
fin de la maternité naturelle ? La matrice artificielle et les bébés du
design ».
Les implications sociologiques de ces mutations
technologiques seront immenses :
Atlan spécule sur la
collision technologique qui risque de se produire entre les techniques de
clonage et l’UA. Il nous dit, qu’à partir du moment où il deviendra possible de
cultiver des embryons dans un UA, alors qu’on sera par ailleurs en mesure de
fabriquer des embryons sans fécondation, on
atteindra potentiellement le stade où les êtres humains ne seront plus du tout
engendrés, mais bel et bien fabriqués.
Le professeur Atlan explique qu’on pourra à l’avenir
probablement fabriquer des êtres humains sans même recourir à des ovules
humains (des ovules de lapine, paraît-il feraient l’affaire, sous réserve qu’on
ait le « bon » code génétique à injecter dedans). Atlan en arrive au
point où il peut dire que le débat sur le « statut de l’embryon »
sera rendu caduc, puisque la vie n’aura plus besoin d’embryon pour se
développer.
C’est donc la définition même de l’humanité qui est en jeu.
Sa thèse est en substance la suivante : l’hominisation
résulte avant tout d’un processus relationnel. Le fait qu’un individu n’ait pas
été engendré de manière naturelle, voire qu’il ait été fabriqué, ne remet donc
pas en cause son humanité, sous réserve qu’il soit, une fois né, inscrit dans
un processus relationnel qui l’hominise.
------> On ne nait pas homme,
on le devient.
Avec l’irruption de l’UA, la dislocation du patriarcat aura
ouvert la porte non à l’abolition de la filiation patrilinéaire, mais à sa
généralisation y compris au lien mère/fils. Au « l’homme est une femme
comme les autres » répondra désormais un « la femme est un père comme
les autres », nécessairement, puisque le lien charnel mère/fils étant
rompu, il n’y aura plus de filiation que construite, intellectuelle,
extracorporelle (Atlan évoque l’image de Zeus, Dieu-père enfantant seul Athéna).
La guerre des sexes, conclut Atlan, est sur le point de
connaître un véritable coup de théâtre. A l’ancienne opposition
patriarcat/matriarcat pourrait se subsister un champ de bataille
multidimensionnel, opposant des conceptions diverses, et dont l’enjeu ne serait
plus d’arbitrer entre les deux modes de filiation, mais de définir des modes
combinés.
La société duale élite/peuple pourrait donc se combiner avec une
biologie duale mâle/femelle, sur laquelle pourraient se plaquer des
intermédiaires plus ou moins délirants. Ça promet.
Quand on le lit, on
comprend qu’il est indispensable que les peuples se dotent rapidement d’une
véritable capacité de contrôle sur leurs dirigeants, car les potentialités
ouvertes par les biotechnologies sont telles que des dirigeants mal avisés
pourraient tout simplement reprogrammer les peuples.
D’ ailleurs il faut lire
ce qu’Attali dit à ce sujet, c’est terrifiant. Ceux qui s’imaginent que tout ça n’est qu’un épiphénomène
se trompe lourdement, c’est
la future forme du capitalisme de demain.