La fin de la conférence est remarquable (8 dernières
minutes), et peut servir d’introduction à ceux qui n’auraient pas le courage de
visionner cette longue vidéo. C’est en particulier un message à la
« dissidence » — à ses déboires — de la part d’un personnage qui,
au-delà de ce que l’on peut penser de son parcours, a resisté on ne peut plus
concrètement, ayant été prêt à mourir pour ses idées (sans pour autant y croire, ajoute-il malicieusement au milieu de la
conférence).
*
Il répond à une jeune demoiselle lui faisant part de son désarroi.
Celle-ci rappelle que, depuis plus de 40 ans, malgré que l’on [c.à.d. les êtres pensants]
sache que l’on va droit dans le mur, et qu’un « rapport de force », certes
représenté par une minorité, a émergé, rien n’a changé. Miguel répond de la
manière suivante :
*
Il faut comprendre que nous
sommes en présence d’une croyance. Or vous savez votre Proust, lui il écrit
dans La recherche : « Les faits ne pénètrent jamais le monde où habite notre
croyance ». La croyance a à voir avec la vie, vous comprenez ? Le
problème c’est que tant que l’on oppose les faits aux croyances — et on a
raison d’opposer les faits aux croyances car des brèches peuvent apparaître —,
il faut avoir l’humilité du résistant, d’une résistance qui ne tombe pas dans
la mégalomanie.
*
Il faut prendre conscience,
d’un point de vue stratégique, que tant qu’il n’y aura que des faits opposé à
des croyances, il n’y aura pas de croyance alternative qui pourra associer la
vie à la technique. Et que donc, il n’y a pas de rapport de force. Le rapport de force émerge
quand, à partir d’un certain nombre de faits articulés, émerge une croyance.
[…]
*
Il ne faut pas se faire
d’illusion par rapport à la période dans laquelle on est. C’est une erreur
fondamentale que de se fourvoyer sur ce point. On est dans une période où il
faut cumuler des faits, résister comme on peut à l’horreur, et surtout ne pas
vouloir prendre de raccourcis. Car les raccourcis ont une tête claire :
celle de tous les intégrismes religieux et sectaires qui, aujourd’hui,
s’opposent à cette barbarie technologique. Car ce que personne ne veut
comprendre, c’est que le développement du terrorisme islamiste, c’est l’autre
jambe de la barbarie technologique du post-organique…
*
C’est parce que nous sommes
dans la barbarie technologique du post-organique que les autres nous
disent : « Vous croyez que vous êtes libre de tout, nous on va vous
montrer que vous n’êtes libre de rien ». Vous comprenez ? Avec des
instruments archaïques et des corps qui saignent.
*
Chez nous, en Amérique
latine, la version intégriste, fondamentaliste, elle est beaucoup plus
sympathique, ce sont les retours des traditions indiennes. C’est très rigolo
car quand j’étais jeune, les Indiens voulaient venir à Buenos Aires,
aujourd’hui les jeunes de Buenos Aires veulent aller vivre chez les Indiens.
Mais effectivement, je ne pense pas qu’il existe de raccourcis. C’est très
mignon. C’est moins mignon lorsque quelqu’un dit face à cette horreur
virtualisante : « je coupe des gorges ». Mais les deux sont
des raccourcis. Il faut avoir la patience de construire des instruments de
résistance. Et moi je crois que la joie du vivant sera ce qui pourra faire le
rapport de force face a ce crétinisme horrible de la haine du corps
technologique [et la barbarie technologique du post-organique].