@Guepe maçonne
« Et
peu importe le président américain, ce sont les interets américains qui dicte
la politique étrangère du pays, pas le président. »
Cela dit, il
y’a des nuances à apporter. On parle souvent « d’Etat profond » mais
cette notion, telle qu’elle a été conceptualisée par Peter Dale Scott ( je ne
parle donc pas des récupérations délirantes de cette notion qu’ont fait les
croyants au grand complot ) ne correspond pas vraiment à la réalité américaine.
En effet, la notion d’Etat profond renvoie à l’idée d’un « État dans
l’État » qui détient le pouvoir décisionnel indépendamment des procédures
électorales, à la base Peter Dale Scott en avait parlé pour la Turquie et le rôle
qu’y jouait l’armée. Il a ensuite, avec d’autres, essayé d’appliquer cette
notion aux US. Mais le pouvoir américaniste fonctionne différemment. Il n’y a
pas un Etat dans l’Etat mais plusieurs « Etats dans l’Etat », c’est-à-dire
des centres de pouvoir quasi-autonomes dont aucun n’a la prééminence, qui se
recoupent, qui se décomposent/se recomposent selon les circonstances et les
rapports de force, passant de positions d’alliances à des positions de
concurrence pour le contrôle du monopole étatique. On devrait parler "d’Etats parallèles" plutôt que "d’Etat profond".
Pour donner
un exemple concret, prenons celui des relations avec la Chine puisque tu en as
parlé : depuis les années 80, c’étaient les « panda huggers qui
déterminaient les relations sino-américaines, c’est un conglomérat d’intérêts
mondialistes et financiers qui ont dégagé énormément de profits avec les
délocalisations et qui privilégie des relations apaisée avec la Chine. Depuis le
second mandat d’Obama et surtout sous la présidence Trump, ils ont perdu la
main au profit des « America first », un conglomérat d’intérêts industriels
et géopolitiques qui va dans le sens d’une relocalisation des industries, qui prône
un protectionnisme agressif et qui est prêt à aller à la confrontation avec la
Chine. On a donc là deux grands réseaux qui s’affrontent. Et ça ce n’est qu’un
exemple, sur presque chaque thématique, on retrouve des réseaux qui se
crêpent le chignon, ce n’est pas quelque chose de nouveau, ça fonctionne comme
ça aux US. La fonction présidentielle est symbolique mais ce pouvoir symbolique
est très important car il va permettre au locataire de la Maison blanche de jouer
le rôle d’arbitre dans la compétition entre ces réseaux et va ainsi contribuer
à centraliser le pouvoir pour en dégager une politique globale cohérente.
Ce qui a
changé depuis les années 2000 et qui est lié à la crise de l’impérialisme US, c’est
que les intérêts de ces réseaux divergent de plus en plus au point que les
présidents n’arrivent plus à les concilier, ce qui produit de monstrueuses
incohérences voir du chaos. Même Obama qui est le président qui a concentré le
plus de pouvoir symbolique depuis Kennedy n’y est pas arrivé. Et Trump étant
celui qui en a concentré le moins, les fractures se sont accentuées, d’où une
forme de paralysie de l’impérialisme US, raison pour laquelle je souhaitais sa
victoire. Déçu de l’élection de Biden mais maintenant, tout ce que j’espère, c’est
que le contentieux électoral entraine une crise de légitimité qui fera de lui
un président encore plus faible que Trump.
Donc il est vrai
d’affirmer que ce sont des intérêts qui dictent la politique étrangère des US, mais
il faut rajouter qu’ils sont divergents et que la maison blanche a justement pour fonction de composer avec eux et
de les articuler de façon cohérente.