BHL vs Emmanuel Todd : DSK, l’Oligarchie, les porcs et les USA...
BHL et Emmanuel Todd se retrouvent sur le plateau de Semaine critique, le 20 mai dernier, pour évoquer l’affaire Strauss-Kahn, les médias et la justice. Emmanuel Todd va s’attarder, après le départ de BHL, sur le fonctionnement de l’Oligarchie (dont l’affaire DSK serait un symptôme). Ce système, l’Oligarchie, s’installe peu à peu en lieu et place des Démocraties (qui subissent un pourrissement, dira-t-il plus tard au cours de l’émission).
BHL est interviewé en premier :
« Je ne défends pas mes amis bec et ongles, ça, ça s’appellerait la mafia... C’est pas vrai, je défends des principes. Le principe c’est que, un homme dont on ne sait pas encore s’il est coupable ou innocent, on ne peut pas le promener menotté, le montrer sur toutes les chaînes de télévision, dans un état d’humiliation extrême, comme une espèce de supplice moderne, sous prétexte qu’il est patron du FMI. Je trouve cela dégueulasse... »
« La façon dont certains se sont érigés en tribunal populaire permanent, faisant les justiciers du dimanche, dans certaines émissions, et avec quelque chose d’odieux, on n’a pas le droit de faire ça...
Dans cette affaire, il y a une victime, c’est cette dame. Si elle a été violée, c’est horrible... »
« J’aurais voulu qu’on oublie Strauss-Kahn un peu plus. C’est-à-dire qu’on ne présente pas ces images de montée au supplice, parce que c’est un supplice médiatique, donc un supplice quand même. Comme Robert Badinter l’a dit, c’est une espèce de mise à mort...
Si madame Diallo a été violée, c’est une victime. Si la justice conclut qu’elle n’a pas été violée, il y a une victime aussi, et quelle victime, c’est Dominique Strauss-Kahn ! »
Franz-Olivier Giesbert montre La Une du prochain numéro de Time Magazine : "Sexe, Mensonges, Arrogance. Pourquoi les hommes importants se comportent comme des porcs".
BHL reprend la parole : « C’est ça l’histoire, - il était l’un des hommes les plus puissants du monde, derrière Barack Obama - cette jouissance à le voir tomber... »
Emmanuel Todd réagit ensuite aux propos de Bernard-Henri Lévy :
« Je suis très surpris, je n’ai pas le souvenir d’avoir un jour été d’accord avec Bernard-Henri Lévy... Je n’aime pas Dominique Strauss-Kahn, politiquement et en tant que personne. » .../... « La façon dont cet homme a été traité aux Etats-Unis est simplement inqualifiable. Peut-être il est coupable, et même vraisemblablement il est coupable, mais ça n’excuse pas la façon dont il a été traité. Et l’autre question qui est posée. Pour les Français qui regardent cette chose stupéfiante et une des raisons de leur désarroi. Je veux dire, l’une des questions qu’ils peuvent se poser, c’est, je sais pas, peut-être : les Américains sont-ils des porcs ? » ( il précisera un peu plus tard qu’il parle bien de la perception que les Française ont du phénomène )
Elisabeth Lévy, souligne ensuite que dans les conversations de bistrot, il se dit que : "Les puissants se serrent les coudes".
Pour BHL il est évident qu’ aujourd’hui, « qu’il soit coupable, ou non, Strauss-Kahn a déjà été puni. C’est ça qui est terriblement choquant... »
On sort pendant quelques instant du cas Strauss-Kahn pour parler de Louis Althusser, "l’un des plus grand philosophes du XXème siècle", selon BHL. « On a retrouvé ce document extraordinaire, que sont les lettres que Louis Althusser a écrit à sa femme à sa femme, celle qu’il assassine donc en 1980, pendant 40 ans. »
Un peu plus tard, BHL quitte le plateau et la conversation reprend sur le sondage dont le résultat indique que 57 % des Français pensent que les déboires de DSK seraient dus à un complot.
Emmanuel Todd pense que les 57% ne correspondent pas à du complotisme : « Les vrais complotistes sont les gens qui pensent que la CIA a organisé le 11 Septembre. »
« Là, ce que vous appelez complotiste, c’est plutôt une sorte de scepticisme, ou du refus de croire ce qu’on raconte. Dans le cas d’un pays comme la France, c’est vrai qu’il y a une sorte de méfiance vis-à-vis, je dirais, des classes supérieures, des élites. Dans ce cas ça s’ajoute sans doute à une sorte de méfiance vis-à-vis de l’Amérique. Peut-être que les journalistes ne se rendent plus compte que le comportement ou le rapport de l’Amérique à la vérité est devenu très étrange. .../... L’Amérique c’est Powell aux Nations-Unies agitant un tube à essai pour prouver qu’il y avait des armes de destructions massives en Irak. Et lançant une guerre d’échelle planétaire, sur un petit pays, à partir de données fausses... L’Amérique c’est Guantanamo où il y a des gens qui sont dans une zone de non-droits. » (vous remarquerez que Franz-Olivier Giesbert essaie de couper Todd au moment précis où celui-ci fait une critique virulente des USA...)
Emmanuel Todd poursuit : « Se dire qu’il y a, dans ce qui s’est passé, quelque chose d’incompréhensible et de caché, que ce soit dans le comportement de l’oligarchie, des classes supérieures... je ne suis pas loin de cette attitude Je vais avoir énormément de mal à accepter la version officielle finale. Je le sais d’avance. Parce que moi je n’ai pas confiance dans la justice américaine... »
« Je crois que les gens n’ont pas compris quelle était la nature des puissants entre eux, en régime oligarchique. La réalité, c’est qu’on est en train de passer de sociétés démocratique à une situation effectivement oligarchique. Donc les gens sont encore dans l’idée qu’une oligarchie c’est un système dans lequel les puissants, les gens d’en haut, se serrent les coudes et sont tous solidaires. Mais l’histoire des oligarchies ce n’est pas ça. C’est-à-dire qu’en fait ils n’ont pas compris. Les oligarchies sont des systèmes où la violence des rapports sociaux s’introduit à l’intérieur même de la classe supérieure, et où de temps en temps - c’était ça Rome -, de temps en temps, la classe supérieure jette un de ses membres en pâture à la justice. On est en train d’entrer dans un nouveau système et une partie de l’égarement des gens, c’est qu’ils n’ont pas encore compris, ils n’ont pas encore compris que, en régime oligarchique, de temps en temps, on sacrifie un membre de l’oligarchie... »
En conclusion, on pourrait dire que la seule fois où BHL critique "sévèrement" les Etats-Unis, c’est quand son ami Dominique est inquiété par la justice américaine... Il rejoint en cela Franz-Olivier Giesbert et Hervé Morin, dont il est inutile d’attendre une réelle critique envers les USA... Chez ces gens-là on a le doigt sur la couture du pantalon quand il s’agit des USA...
Le constat d’Emmanuel Todd sur la transition des Démocraties vers l’Oligarchie apparaît tout à fait pertinent. Par contre, il semblerait qu’il n’en soit pas encore rendu au stade lui permettant de concevoir que, cette oligarchie est tout à fait capable d’organiser elle-même des événements comme le 11 Septembre 2001 (un "nouveau Pearl-Harbor")... Ce genre d’événement, qui attise les haines et accentue les peurs, bénéficie à l’oligarchie, de la même façon que le sacrifice d’un des leurs, de temps en temps...
Tags : Livres - Littérature Etats-Unis Société Justice Médias Culture International DSK BHL Dominique Strauss-Kahn
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