Les arguments fallacieux
Si on veut développer son esprit critique ou ne pas trop se faire rouler dans la farine il est bon de reconnaître les arguments fallacieux.
Sous forme écrite :
Erreur logique.
1. La généralisation abusive
Prendre un échantillon trop petit et en tirer une conclusion générale.
« Les Chinois sont sympas, j’ai un pote chinois et il est cool. Les Lapons par contre... » (tend vers le racisme ordinaire et l’essentialisme)
« Donald Trump est anti-mexicain, comme tous les habitants des États-Unis. »
2. Le raisonnement panglossien
Raisonner à rebours, vers une cause possible parmi d’autres, vers un scénario préconçu ou vers la position que l’on souhaite prouver.
« C’est fou, la banane a été créée pour être facile à éplucher. »
« Les constantes cosmologiques sont si finement réglées, qu’en changeant un chiffre après la virgule, le monde serait resté chaotique – et nous ne serions pas là : c’est
la preuve d’une volonté cosmique. » (Argumentaire des frères Bogdanoff.)
3. Le Non sequitur (« qui ne suit pas les prémisses »)
Tirer une conclusion ne suivant pas logiquement les prémisses.
Deux types d’argumentaires :
Si A est vraie, alors B est vraie. Or, B est vraie, donc A est vraie.
Si A est vraie, alors B est vraie. Or A est fausse, donc B est fausse.
Attention : la conclusion peut être finalement juste, mais le raisonnement est faux.
« Tous les consommateurs d’héroïne ont commencé par le haschisch.
Tu fumes du haschisch, donc tu vas finir héroïnomane. »
« On m’a dit "Si tu ne manges pas ta soupe, tu finiras au bagne", or je mange ma soupe, donc je n’irai pas au bagne. »
4. L’analogie douteuse
Discréditer une situation en utilisant une situation de référence lui ressemblant de manière lointaine.
« Vous refusez de débattre avec les créationnistes, vous êtes anti-démocratique. »
« L’Obama Care c’est le Communisme ! »
Variante : le syndrome de Galilée :
« Vous me dites que ma thèse est fausse, mais Galilée aussi a été condamné et pourtant il avait raison. »
5. L’appel à l’ignorance (ou argumentum ad ignorantiam)
Prétendre que quelque chose est vrai seulement parce qu’il n’a pas été démontré que c’était faux, ou que c’est faux parce qu’il n’a pas été démontré que c’était vrai.
« Il est impossible de prouver que je n’ai pas été enlevé par des extraterrestres. Donc j’ai été enlevé par des extraterrestres (argument de Raël). »
« Il n’est pas démontré que les ondes des compteurs électriques ne sont pas nocives. Donc elles le sont. »
6. L’erreur de causalité
Confondre conséquence et postériorité. B est arrivé après A donc B a été causée par A. Après cela, donc à cause de cela.
« J’ai bu une tisane, puis mon rhume a disparu ; donc c’est grâce à la tisane. »
« J’ai éternué, et hop, il a plu ! »
Travestissement.
7. Le raisonnement circulaire
Affirmer quelque chose en basant sa proposition sur un fait qui n’a pas été prouvé (pétition de principe) ou interroger en incluant des présupposés non acceptés par l’interlocuteur (plurium interrogationum).
« Jésus est né d’une vierge. Comment cela serait-il possible sans l’intervention divine ? »
« Avez-vous arrêté de battre votre femme ? »
8. Le faux dilemme
Réduire abusivement le problème à deux choix pour conduire à une conclusion forcée. Invalider l’un pour valider l’autre n’est possible que si les deux choix sont non seulement compétitifs, mais contradictoires.
« Ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous (l’argument dit de George W. Bush). »
« Vous avez deux solutions, le suicide collectif, c’est à dire le repli identitaire ou la voie européenne. (Vincent Peillon, 18 janvier 2017 sur BFM) »
9. La technique du chiffon rouge (ou hareng fumé)
Déplacer le débat vers une position intenable par l’interlocuteur.
« Remettre en cause le lobbying industriel sur les nanotechnologies ?
Autant revenir à la lampe à huile et à la marine à voile ! »
« Et tous ces gens qui me soutiennent, ce sont des idiots, peut-être ? »
10. L’argument d’autorité (ou argumentum ad verecundiam)
Invoquer une personnalité faisant ou semblant faire autorité dans le domaine concerné.
« Isaac Newton était un génie, et il croyait en Dieu, donc Dieu existe. »
« Si même Nicolas Hulot met du shampoing Ushuaïa, c’est que ça doit être sain. »
11. L’appel au peuple (ou argumentum ad populum)
Invoquer le grand nombre de personnes qui adhèrent à une idée, sa popularité.
« Des millions de gens regardent TF1, ça ne peut donc pas être si nul. »
« La majorité des français votent, ça prouve que le système fonctionne. »
12. L’appel à la pitié (ou argumentum ad misericordiam)
Plaider des circonstances atténuantes ou particulières qui suscitent de la sympathie ou de la solidarité et donc cherchent à endormir les critères d’évaluation de l’interlocuteur.
« Sarkozy a été pris en grippe par tous les médias alors qu’il aurait dû bénéficier de la présomption d’innocence ! »
« Bien sûr, le tordeur de métal Uri Geller a triché, mais sous la pression que lui mettaient les scientifiques, on comprend qu’il en soit venu là. »
13. L’appel à une cause.
Projeter des attentes ou volontés sur une entité fictive qui soutient l’argumentation sans que l’opinion de celle-ci ne puisse être consultée, comme la Patrie, Dieu, la Planète, les enfants, la survie de l’espèce,...
« Je me bats contre le mariage homosexuel pour protéger nos enfants avant tout. »
« Si j’ai tué ces terroristes, ce n’était pas par haine, mais pour défendre les valeurs de ma patrie. »
14. La valeur phare
Miser sur un aspect particulier qui serait intrinsèquement positif :
le naturel, la nouveauté, l’ancienneté, la tradition, l’exotisme,...
« Que les moines tibétains sachent léviter, c’est assez prévisible. Ils sont balèzes, là-bas. » (argument de l’exotisme)
« J’ai ma voiture depuis vingt ans, ils savaient les faire solide à
l’époque ! » (argument de l’ancienneté)
15. L’imposture intellectuelle
Importer des termes techniques ou scientifiques inappropriés dans un autre champ, sans que le discours ne soit éclairé par l’emprunt pour se donner un vernis de crédibilité.
« Ma théorie énergétique quantique fait appel aux intrications ionisantes pour nettoyer vos chakras. »
« C’est ce qu’on appelle la congolexicomatisation des lois du marché. »
Attaques.
16. L’enfumage
Utiliser des termes compliqués ou des faits méconnus pour que l’interlocuteur ne les comprenne pas, en espérant qu’il n’osera pas questionner pour ne pas passer pour un inculte.
« Cette situation n’est pas sans rappeler la désastreuse confédération de Sénégambie. »
« Je ne reviendrai évidement pas sur les catégories nouménales de Kant, que tout élève de terminale connaît. »
Variante : L’argument du silence (argumentum a silentio) : accuser l’interlocuteur d’ignorance d’un sujet parce qu’il ne dit rien dessus.
« Je vois que vous ne connaissez pas bien la philosophie politique puisque vous passez sous silence les travaux de John Rawls ! »
17. Le tsunami péremptoire
Submerger l’interlocuteur de conclusions ou de questions pour ne pas lui laisser le temps de répondre ou donner l’impression d’être plus convainquant, alors qu’aucun argument n’a été exposé.
« Le tabac provoque des cancers, favorise des entreprises étasuniennes et les mégots polluent la planète ! »
« Vos actions ont été néfastes pour les enseignants, pour les ouvriers, pour les paysans. Que comptez-vous faire pour réduire le chômage ? »
18. Le mille-feuille argumentatif
Empiler un foisonnement d’arguments faibles dans un maillage si serré qu’ils se renforcent réciproquement sans qu’on puisse les confronter entre eux.
« Et le drapeau qui flotte ? Et les ombres non parallèles ? Et les croix de cadrage ? Et les ceintures de Van Allen ? Et Stanley Kubrick ? Tout ça prouve bien qu’on est jamais allé sur la Lune ! »
19. Le déshonneur par association
Comparer l’interlocuteur ou ses positions à une situation ou à un personnage servant de repoussoir.
« Tu critiques la psychanalyse ? Comme Jean-Marie Le Pen ! »
« Tu donnes la parole à quelqu’un qui défend la liberté d’expression, même pour des négationnistes ? Alors il est négationniste. Et toi, tu es cryptonégationniste ! »
20. La pente savonneuse
Faire croire que si on adopte la position de l’interlocuteur, les pires conséquences, les pires menaces sont à craindre.
« Légaliser la marijuana, c’est accepter de voir des junkies partout dans nos rues. »
« Si on autorise le mariage pour tous, alors pourquoi pas le mariage avec des animaux, et même l’inceste et la pédophilie ? »
21. L’épouvantail (dite aussi de l’homme de paille)
Travestir la position de l’interlocuteur en une autre, plus facile à réfuter ou à ridiculiser.
« Les théoriciens de l’évolution disent que la vie sur Terre est apparue par hasard. Comment un être humain ou un éléphant pourraient apparaître de rien, comme ça ? »
« Vous êtes communiste ? Pour ma part, j’exècre les goulags et les purges staliniennes ! »
22. Le renversement de la charge de la preuve
Demander à l’interlocuteur de prouver que ce qu’on avance est faux.
« Mais prouvez-moi donc que la politique migratoire actuelle est inefficace. »
« À vous de me démontrer que le monstre du Loch Ness n’existe pas. »
23. Ad hominem
Jeter le discrédit sur une personne en raison de choses qu’elle a faites ou dites par le passé, en révélant une incohérence de ses actes ou propositions antérieures avec les arguments qu’elle défend.
« Comment Voltaire peut-il prétendre parler de l’égalité des Hommes alors qu’il avait investi dans le commerce des esclaves ? »
« Vous vous dites concerné par la justice animale mais vous n’avez pas participé aux manifestation contre les chasses aux loups ! »
24. L’attaque sur la personne (argumentum ad personam)
Attaquer la personne sur sa moralité, son caractère, sa nationalité, sa religion… et non ses arguments. Sous-entendre ainsi qu’il y ait un lien personnel entre l’argumentation et la personne qui la défend.
« Critiquer les médecines alternatives, ça ne m’étonne pas de vous, vous avez toujours été sans cœur. »
« Vous méconnaissez le dossier des banlieues car vous êtes d’origine bourgeoise ! »
25. L’attaque sur la forme.
Relever une moisissure argumentative ou une faute de grammaire plutôt que d’argumenter avec de nouveaux arguments. La critique n’est pas suffisante, mais si elle est nécessaire.
« C’est un pathétique appel à la pitié alors je ne vais pas aider ces gens. »
« Comparer l’anarchisme à une religion, c’est une analogie douteuse donc je refuse d’écouter tes critiques de l’anarchisme. »
Tags : Zététique
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