Comment acclamer le fossoyeur de la démocratie ? Vous n’avez pas bien suivi son rôle dans le blanchiments des retrocommissions et l’élimination du seul candidat qui prévenait d’une crise financière à venir...
A
la fin de leur instruction, ce sont en tout 13.354.285 francs de
dépenses que les rapporteurs jugent indispensable de réintégrer dans le compte...
qui déborde du coup de 7.200.776 par rapport au plafond légal. Si l’on
suit le raisonnement, Edouard Balladur doit être condamné à verser
7.200.776 francs au Trésor public (c’est l’article L52-15 du code
électoral). Surtout, l’Etat ne doit plus assumer aucun des frais de
campagne de l’ancien premier ministre, et Bercy doit se faire rembourser
au passage une avance d’un million de francs consentie à Edouard
Balladur au début de sa campagne.
Mais
ce scénario « catastrophe » a été balayé par les membres du Conseil
constitutionnel le 3 octobre 1995, lors d’une séance mémorable que
Mediapart a déjà racontée par le menu. Ce jour-là, sous la pression du
président Roland Dumas (nommé par François Mitterrand), les rapporteurs ont été sommés de revoir leur copie, afin de « blanchir » le compte
d’Edouard Balladur. L’argument avancé : si le Conseil rejette celui-ci,
il devra réserver le même sort à celui de Jacques Chirac, qui explose
encore davantage le plafond des dépenses légales. Or Jacques Chirac, à
ce moment-là, est installé à l’Elysée depuis des mois... Comment annuler
son élection ?! Roland Dumas décrète cette solution inimaginable.
Les
rapporteurs s’exécutent : ils « oublient » les recettes injustifiées et
réintègrent 5,9 millions de dépenses seulement, sur les 13,3 millions
« négligées » par le trésorier. Les compteurs d’Edouard Balladur
s’arrêtent ainsi miraculeusement à 223.881 francs du plafond autorisé
(soit une marge de 0,25% !). Le Conseil peut apposer son tampon.
Au final, le 3 octobre 1995, seul le « petit » candidat Jacques Cheminade, qui avait totalisé 0,28% des voix, aura vu son compte
rejeté, pour une histoire de prêt sans intérêt – il fallait bien faire
un exemple. Depuis cette date, Bercy ne cesse de lui réclamer un million
de francs (que Jacques Cheminade n’a jamais payé, malgré les multiples
saisies). En avril dernier, le Service recouvrement de la Direction
générale des finances publiques lui écrivait encore : « Monsieur, vous
restez redevable à ma caisse (...) pour un montant de 152.449,02 euros
majoré de 20.443,16 euros de frais de poursuite et impayé à ce jour pour
171.325,46 euros, au motif de remboursement d’avance forfaitaire sur
les dépenses de campagne à l’élection présidentielle de 1995. » Edouard Balladur, de son côté, n’aura jamais eu de difficultés avec son trésorier-payeur général.
08 Décembre 2010 site MEDIAPART