Effondrement vs Décroissance volontaire : décolonisons notre imaginaire
La décroissance volontaire, une des conditions pour peut-être éviter la catastrophe ?
Proposition de décroissance économique.
Yves-Marie Abraham est professeur agrégé au Département de la gestion à HEC Montréal, avec une expertise dans la théorie des organisations, l’anthropologie économique et la décroissance économique. Co-auteur du livre “Décroissance versus développement durable”, Yves-Marie a créé et donne la seule classe de deuxième cycle sur la décroissance, au Canada. Son cours attire des étudiants de tous les coins, pour penser et débattre sur l’avenir de la société. (TEDxHECMontreal)
Yves-Marie Abraham veut tout d’abord nous enlever un espoir : l’espoir que notre civilisation puisse durer encore longtemps. Un espoir qui s’exprime par exemple dans cette notion omniprésente de développement durable ou dans celle plus récente de croissance verte
Contradiction : nous vivons dans un monde fini, aux ressources limitées, et pourtant nous visons une croissance économique infinie, une croissance illimitée...
Pour le moment l’espèce humaine n’a pas d’autre endroit que la Terre pour vivre
Espace fini : Même les ressources dites renouvelables ne le sont que jusqu’à un certain point
Société de la croissance économique : produire toujours plus de biens et de services, en un mot toujours plus de marchandises. La consommation de resssources (et la production déchets), ne peut pas croître indéfiniment
Impact écologique : l’impact écologique de nos économies s’est accru. L’économie dite du savoir n’est pas aussi immatérielle qu’on veut le dire. Nous faisons des progrès dans l’utilisation de nos ressources terrestres, mais des progrès limités
Effet rebond : dans une société productiviste, tout moyen d’économiser une ressource va en fait souvent en stimuler la consommation
Contradiction / Effondrement : il y a des limites physiques et biologiques à notre capacité à produire toujours plus de marchandises, et en même temps notre société repose sur la quête de croissance : soit par manque de ressources, soit par trop plein de déchets, nous allons vers l’effondrement de nos économies
La croissance de nos économies reste exponentielle (2% par an : le volume des marchandises produites va doubler en 35 ans)
Des rétroactions positives accroissent l’impact écologique :
la conséquence d’un phénomène devient elle même l’une des causes de ce phénomène (un début de fonte des neige et des glaces qui va accélèrer le phénomène ; la fonte du pergelisol, qui va libérer du méthane, et accélérer le phénomène par l’augmentation de l’effet de serre)
Certains dégâts seront irréversibles (disparitions d’espèces)
Dennis Meadows (1) : notre civilisation se condamne à l’effondrement
Deux possibilités :
- décroissance forcée, subie, de manière catastrophique
- décroissance contrôlée (du mieux possible), choisie
La survenue d’innovations technologiques majeures est une éventualité peu probable, mais pas impossible
De bonnes raisons d’arrêter la course à la production de marchandise :
- éviter l’effondrement
- au-delà d’un certain seuil de PIB par habitant, la corrélation disparaît entre croissance économique et bien être. Cette croissance profite à une petite minorité.
Cf la réduction des inégalités évoquée par Richard Wilkinson (2) : "la croissance économique a cessé d’être un facteur de mieux être pour les humains actuels, au moins en Occident"
- arrêter cette concurrence généralisée entre nous tous, où chacun doit contribuer à la croissance, sinon il est rejeté (entraînant, peur, anxiété, surinvestissement dans le travail, surconsommation de toutes sortes substances pour tenir le coup). Une course insensée, épuisante, avec la contrainte de renoncer à être soi-même, y compris pour ceux qui ont une bonne place dans cette société. Nous sommes piégés dans cette roue infernale où nous tournons comme des hamsters. Piégés dans une cage d’acier, où les marchandises se rendent indispensables, créant une dépendance vis-à-vis des entreprises qui les fournissent.
Les marchandises tendent à réduire notre autonomie, notre liberté
Donc pour résumer, 3 raisons de s’opposer à la croissance économique :
- destructrice sur le plan écologique
- n’améliore plus le sort de la majeure partie d’entre nous
- aliénante, nous empêche d’exercer notre liberté
Des objections à la décroissance :
- une décroissance volontaire à l’échelle mondiale serait un projet utopique ;
L’utopie serait plutôt une croissance infinie dans un monde fini
- la croissance n’est-elle pas dans la nature de l’homme (toujours améliorer sa condition, concurrence généralisée normale) ?
L’homme n’est pas toujours un animal égoïste. Nous avons profondément besoin de coopérer entre nous
- Avez-vous un un plan ? un modèle ?
Il n’est probablement pas possible de planifier l’innovation radicale (contradiction entre "planification" et "innovation radicale"). Il serait dangereux d’imposer un plan prédifini pour tout le monde, en tout lieu
" Pour ne pas accoucher du pire, l’invention d’une société post-croissance doit être rigoureusement démocratique. Cela suppose d’abord qu’une majorité d’entre nous soient convaincus de la nécessité d’en finir avec la course à la croissance. "
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(1) Dennis Meadows
Dennis L. Meadows - Que faire ?
(...) des îlots de développement alternatif au milieu d’un océan de non durabilité (jardinage communautaire, énergie solaire, des groupes sociaux qui assument des responsabilités les uns envers les autres, en marge du système existant...)
(2) Richard G. Wilkinson
- La conférence Ted dont parle Yves-Marie Abraham :
"Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous" par Richard G. Wilkinson
- Richard Wilkinson, épidémiologiste britannique, a joué un rôle majeur dans les recherches consacrées aux déterminants de la santé. Professeur émérite à l’école de médecine de l’université de Nottingham, il a fondé "The Equality Trust".
Il était présent le 26 novembre 2013 à Bruxelles, pour parler des inégalités sociales.
Le titre de sa conférence ,organisée et filmée par Etopia : "Pourquoi vaut-il mieux être riche en Suède, qu’aux Etats Unis ?
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La croissance de l’intelligence, de la compassion, du partage, de la coopération, de l’amour... seraient certainement les seules croissances qui pourront éviter l’effondrement. Encore faudrait-il se libérer de nos conditionnements et de nos peurs, qui colonisent notre imaginaire...
Tags : Environnement Economie Société International Croissance Décroissance
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