Mélenchon est enfermé dans sa culture historique et le logiciel droite-gauche qui est devenu obsolète (du moins quand on inclut le PS à gauche, cf cet excellent article de Frédéric Lordon). C’est pour ça qu’il appellera à voter Hollande au second tour, avec énormément de réserves néanmoins : son discours d’entre-deux-tours sera très intéressant à écouter et pourrait même faire date en avalisant une bonne fois pour toutes la rupture entre les deux gauches de ce pays (même s’il y en a une qui est devenue très douteuse). Il se retrouvera en effet dans la position d’appeler à voter pour Hollande, mais en refusant d’appartenir à la majorité (hors positions sociétales), exactement comme s’il avait le choix entre Sarkozy et Bayrou (car dans ce cas-là, je pense qu’il appellerait quand même à voter pour Bayrou, en se pinçant le nez bien comme il faut).

Le problème n’est pas tant qu’il appelle à voter Hollande s’il est face à Sarkozy, ce qui est naturel de ce point de vue car il demeure des différences de détail qui peuvent le conduire à préférer le "moins pire". Le problème est de le faire sur la logique historique de rassemblement à gauche qui n’a plus lieu d’être vu les renoncements de cette gauche-là, et de voir dans le FN le mal absolu alors que le PS de Hollande devrait lui inspirer au moins autant de dégoût (car préférer Hollande à Marine Le Pen implique de préférer le traité de Lisbonne à l’arrêt de l’immigration ou la peine de mort, ce qui n’a pas de sens de son point de vue ; il doit détester tout autant les 2 issues).

Il n’est pas capable de penser la configuration politique actuelle qui est néanmoins assez récente (elle s’est installée depuis 1983), mais je ne lui en veux pas, c’est normal de sa part vu son milieu, sa vie passée dans les appareils et leurs logiques... Cela dit, il lui arrive parfois de mettre Sarkozy et Hollande sur le même plan, mais il ne va jamais au bout du raisonnement. Je rêve qu’un journaliste lui demande franchement un jour en quoi Hollande est de gauche (mais ça n’a aucune chance d’arriver). Qui sait, peut-être que le mandat Hollande qui s’annonce l’amènera à y voir plus clair...