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Commentaire de 9HY9HY

sur Aratta, à l'aube des civilisations


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9HY9HY 11 avril 2015 16:16

« Il y a en Égypte, dit Critias, dans le Delta, à la pointe duquel le Nil se partage, un nome appelé saïtique, dont la principale ville est Saïs, patrie du roi Amasis. Les habitants honorent comme fondatrice de leur ville une déesse dont le nom égyptien est Neith et le nom grec, à ce qu’ils disent, Athéna. Ils aiment beaucoup les Athéniens et prétendent avoir avec eux une certaine parenté.
 

Son voyage l’ayant amené dans cette ville, Solon m’a raconté qu’il y fut reçu avec de grands honneurs, puis qu’ayant un jour interrogé sur les antiquités les prêtres les plus versés dans cette matière, il avait découvert que ni lui, ni aucun autre Grec n’en avait pour ainsi dire aucune connaissance. 

 

Un autre jour, voulant engager les prêtres à parler de l’antiquité, il se mit à leur raconter ce que l’on sait chez nous de plus ancien. Il leur parla de Phoroneus, qui fut, dit-on, le premier homme, et de Niobé, puis il leur conta comment Deucalion et Pyrrha survécurent au déluge ; il fit la généalogie de leurs descendants et il essaya, en distinguant les générations, de compter combien d’années s’étaient écoulées depuis ces événements.

 

Alors un des prêtres, qui était très vieux, lui dit : « Ah ! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n’y a point de vieillard en Grèce. » A ces mots : « Que veux-tu dire par là ? demanda Solon. — Vous êtes tous jeunes d’esprit, répondit le prêtre ; car vous n’avez dans l’esprit aucune opinion ancienne fondée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps. 

 

Et en voici la raison. Il y a eu souvent et il y aura encore souvent des destructions d’hommes causées de diverses manières, les plus grandes par le feu et par l’eau, et d’autres moindres par mille autres choses. 

 

Par exemple, ce qu’on raconte aussi chez vous de Phaéton, fils du Soleil, qui, ayant un jour attelé le char de son père et ne pouvant le maintenir dans la voie paternelle, embrasa tout ce qui était sur la terre et périt lui-même frappé de la foudre, a, il est vrai, l’apparence d’une fable ; mais la vérité qui s’y recèle, c’est que les corps qui circulent dans le ciel autour de la terre dévient de leur course et qu’une grande conflagration qui se produit à de grands intervalles détruit ce qui est sur la surface de la terre. 

 

Alors tous ceux qui habitent dans les montagnes et dans les endroits élevés et arides périssent plutôt que ceux qui habitent au bord des fleuves et de la mer. Nous autres, nous avons le Nil, notre sauveur ordinaire, qui, en pareil cas aussi, nous préserve de cette calamité par ses débordements. 

 

Quand, au contraire, les dieux submergent la terre sous les eaux pour la purifier, les habitants des montagnes, bouviers et pâtres, échappent à la mort, mais ceux qui résident dans vos villes sont emportés par les fleuves dans la mer, tandis que chez nous, ni dans ce cas, ni dans d’autres, l’eau ne dévale jamais des hauteurs dans les campagnes ; c’est le contraire, elles montent naturellement toujours d’en bas. 

 

Voilà comment et pour quelles raisons on dit que c’est chez nous que se sont conservées les traditions les plus anciennes. 

 

Mais en réalité, dans tous les lieux où le froid ou la chaleur excessive ne s’y oppose pas, la race humaine subsiste toujours plus ou moins nombreuse. 

 

Aussi tout ce qui s’est fait de beau, de grand ou de remarquable sous tout autre rapport, soit chez vous, soit ici, soit dans tout autre pays dont nous ayons entendu parler, tout cela se trouve ici consigné par écrit dans nos temples depuis un temps immémorial et s’est ainsi conservé. 

 

Chez vous, au contraire, et chez les autres peuples, à peine êtes-vous pourvus de l’écriture et de tout ce qui est nécessaire aux cités que de nouveau, après l’intervalle de temps ordinaire, des torrents d’eau du ciel fondent sur vous comme une maladie et ne laissent survivre de vous que les illettrés et les ignorants, en sorte que vous vous retrouvez au point de départ comme des jeunes, ne sachant rien de ce qui s’est passé dans les temps anciens, soit ici, soit chez vous. 

 

Car ces généalogies de tes compatriotes que tu récitais tout à l’heure, Solon, ne diffèrent pas beaucoup de contes de nourrices. Tout d’abord vous ne vous souvenez que d’un seul déluge terrestre, alors qu’il y en a eu beaucoup auparavant ; ensuite vous ignorez que la plus belle et la meilleure race qu’on ait vue parmi les hommes a pris naissance dans votre pays, et que vous en descendez, toi et toute votre cité actuelle, grâce à un petit germe échappé au désastre. 

 

Vous l’ignorez, parce que les survivants, pendant beaucoup de générations, sont morts sans rien laisser par écrit. 

 

Oui, Solon, il fut un temps où, avant la plus grande des destructions opérées par les eaux, la cité qui est aujourd’hui Athènes fut la plus vaillante à la guerre et sans comparaison la mieux policée à tous égards c’est elle qui, dit-on, accomplit les plus belles choses et inventa les plus belles institutions politiques dont nous ayons entendu parler sous le ciel. »

 

TIMÉE (Platon)


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