@basile
Je dirai
quant à moi que beaucoup de choses sont imprévisibles mais que tout n’est pas
possible non plus, du moins à court et moyen terme. Je ne crois par exemple pas
à une invasion de la France par la Belgique les deux prochaines années
. Il y’a des scénarios qu’on peut invalider au regard de la situation présente et
qui paraissent même absurde, il en est de même sur la question de l’islam.
Pour
revenir sur l’argument majorité/minorité :
-J’ai décrit
le biais zémmourrien qui consiste, à partir d’une lecture fondamentaliste et
essentialiste du fait religieux, à gommer
la diversité au sein de la catégorie des Français de confession musulmane pour
ne laisser subsister des musulmans « essentiels » assimilé à la
grande masse alors qu’ils sont minoritaires.
—Il y’a un
autre biais très fréquent, qui part lui aussi d’une lecture fondamentaliste et
essentialiste du fait religieux mais il n’aboutit pas comme chez Zemmour à
gommer la diversité des musulmans. Les personnes qui ont ce biais analytique tiennent
compte de cette diversité et constatent que les islamistes sont minoritaires, seulement,
ils expliquent que ce sont les minorités qui font l’histoire, que la masse est
toujours mené par des petits groupes actifs et déterminés ( jusque-là, ils ont
totalement raison) et que par conséquent, les islamistes sont voués à
devenir les élites d’une communauté musulmane unie. Mais losqu’on leur demande d’où
vient leur conviction, ils reviennent systématiquement à leur lecture fondamentaliste
et essentialiste pour l’expliquer : parce que ces islamistes sont les
vrais musulmans, il est pour eux "naturel" qu’ils finissent par prendre les rênes
de l’islam. Et bien sûr, leur observation de la société va se faire par le
prisme de cette conviction en ne sélectionnant que les faits qui valident leur
postulat, en ne tenant pas compte des faits qui l’invalident ou en interprétant
des faits anodins comme une confirmation de leur présupposé. C’est ce qu’on appelle
la recherche biaisée d’information : le sujet ne recherche que des preuves
compatibles avec son postulat de départ.
Moi je veux
bien admettre que les islamistes sont entrain de se constituer en élite musulmane
mais je n’ai aucun paramètre social qui atteste de cette hypothèse. Par
exemple, en général dans les groupes humains, les élites en constitution font partie
de groupes sociaux dissidents des classes supérieures qui entrent en rébellion parce
qu’ils menacé de déclassement ou alors elles font partie de groupes des
classes intermédiaires suffisamment puissantes pour aspirer à intégrer les
classes supérieures mais dont l’ascension est bloquée et décident par
conséquent d’entrer en dissidence. On ne retrouve quasiment jamais des élites en
puissance dans des groupes issus des classes inférieures, il existe peut-être
des exceptions ici ou là mais là je n’arriverai même pas à trouver un seul
exemple.
Qu’en est
il du contexte français ? Il existe un groupe de musulmans en France ( en
proportion 13 % ) qui sont dans une logique de révolte et de sécession contre
la France, qui utilisent l’islam comme un moyen s’affirmer en marge de la
société française et qui souhaite substituer la loi civile par la loi
religieuse. Seulement, on constate que ces individus sont majoritairement
jeunes, peu qualifiés et peu insérés dans l’emploi et vivent dans les
quartiers populaires périphériques des grandes agglomérations. En d’autres
termes, ils sont au bas du bas des classes inférieures, les musulmans qui
appartiennent aux catégories sociales les plus favorisées et qui sont susceptibles
de devenir les élites musulmanes du fait de leur capital social n’ont pas cette attitude sécessioniste ( ou alors en très faible proportion).On
constate même que les musulmans les mieux insérées sont ceux qui rejettent le
plus cette attitude. Ce groupe sécessionniste est en croissance chez
les jeunes des catégories populaires et on constate que cela participe d’un
phénomène généralisable à l’ensemble des classes populaires de la société car ce
mouvement de radicalisation n’est pas spécifique aux jeunes musulmans des
milieux populaires ( disons que chez eux c’est plus spectaculaire), il s’observe également chez les jeunes qui se définissent
comme chrétiens ou sans religion, mais s’exprime par d’autres opinions et
comportements que l’affiliation identitaire à l’islam. On a donc pas affaire à
des élites en puissance mais à des gens appartenant à des catégories sociales
inférieures en révolte contre l’ordre social existant.