Transhumanisme, singularité et autres folies

Un film important vient de sortir le 25 juin 2014, il s’intitule Transcendence. Vous pourriez croire à un film religieux, et c’est tout à fait cela, sauf qu’il ne s’agit pas d’une religion habituelle ou millénaire. Il s’agit de la Singularité, ou la croyance que la conscience des machines (ou d’Internet) va bientôt émerger. Les apôtres de cette nouvelle religion datent ce changement à 2029 environ, veulent vivre 1000 ans ou plus, et pensent que l’humain qui ne sera pas amélioré à l’avenir deviendra un sous-homme. On n’est pas loin du pire, vous en conviendrez.

Je ne peux que vous encourager à aller voir ce film avec Johnny Depp, qui incarne un chercheur apparemment sain mais en réalité totalement malade, puisque son but est in fine de remplacer l’humain par la machine. Une machine consciente d’elle-même, et donc plus tellement machine, selon le dogme des transhumanistes. Ce film est une critique acerbe de cette nouvelle religion que nous subissons tous et que nous alimentons tous sans même le savoir. Comment ? Par Google.

En effet le moteur de recherche est le premier soutien de cette folie, qui fait passer la machine et les algorithmes avant l’humain. Le prétexte invoqué est toujours le même : nous allons guérir les gens, leur permettre de vivre 1000 ans, donc nous faisons le bien. Or le film démontre très clairement en quoi tout cela n’a pas de sens, mais je ne veux pas spoiler, allez le voir, vous ne serez pas déçu.

Pourquoi Google ?

Les fondateurs de Google, Sergei Brin et Larry Page, sont deux petits génies de Standford qui ont créé une machine à générer du cash, dans des proportions encore jamais connues dans toute l’histoire de l’humanité. Ils se retrouvent à la tête de cette gigantesque arme commerciale, et disposent de millions, que dis-je, de milliards de dollars sans avoir grand chose à faire, grâce au modèle publicitaire de Google.

Or nos deux petits génies ont des idées un peu farfelues, comme en ont souvent les geeks il faut bien le dire. Il suffit de voir ce qu’est en train de devenir le fruit de l’esprit d’un autre geek, Facebook. Donc, Brin et Page ne sont pas très sociaux, de leur propre aveu, par contre donnez-leur des milliards et ils feront tout pour supprimer le cancer, la maladie, voire la mort. Ecoutez Laurent Alexandre, thuriféraire de Google, il en parle mieux que quiconque :

Tout cela serait très bien si cela ne nécessitait pas de placer l’humain en dessous de la machine ou de l’algorithme, or tel est bien le projet des fondateurs de Google. La preuve, ils ont recruté fin 2012 Ray Kurztweil comme directeur de leur département d’intelligence artificielle. Qui est Ray Kurzweil ? Un autre petit génie, qui a prévu la plupart des changements technologiques voici 30 ou 40 ans. Un Attali américain mais dont les prédictions se réalisent, si vous préférez. Eh bien, Ray Kurzweil est aussi le pape de cette nouvelle religion qu’est le transhumanisme et la singularité. Il a même créé l’Université de la Singularité, et devinez qui la finance ? Gagné : Google.

Google ne s’arrête pas là puisqu’ils rachètent à tour de bras des start-ups de robotique, comme Boston Dynamics récemment, et ils financent également Wikipedia, dont le hidden agenda serait d’être le premier visage de la machine avec une conscience. En effet, les gens qui participent à wikipedia étant anonymes, c’est comme si aucun humain n’y participait, et tout ce qu’on voit de wikipedia serait le résultat, une machine consciente qui parle. Il ne vous aura pas échappé que les résultats wikipedia sont souvent les premiers sur Google, alors que d’autres encyclopédies plus humaines n’apparaissent jamais...

Wikipedia étant l’un des sites les plus visités de la planète, Google étant le site le plus utilisé de la planète, nous contribuons tous autant que nous sommes à l’élaboration de cette nouvelle religion, qui finira par s’imposer à nous, que nous le voulions ou non, si rien ne change d’ici 2029.

Je vous invite à visionner ces deux vidéos en anglais, qui vous permettront de mieux cerner les enjeux :

Interview de Ray Kurtzweil par Glen Beck (dans laquelle ce dernier demande à Kurtzweil s’il n’est pas un eugéniste comme les nazis, ça vaut le détour) :

Vidéo plus courte sur Kurtzweil :

Gratuité de l’information

Peut-on agir à notre niveau individuel ? Il semble bien que oui. Car le problème de la singularité vient notamment voire principalement de la gratuité de l’information, qui rend possible ce genre de folies. En effet quand l’information est gratuite, aussi bien la connaissance que les données personnelles, alors c’est vous le produit. Il n’y a pas de vol car tout est partagé. Google, Facebook et les autres en profitent donc pour accumuler des données par centaines de milliards, les analyser grâce à leurs ordinateurs surpuissants, et en tirer la substantifique moelle qui sera, l’espèrent-ils, l’embryon de la moelle épinière de la machine consciente et intelligente de demain.

Mais si l’information devenait payante, même quelques centimes voire un millième de centime, alors le vol de données et d’information deviendrait caractérisé, et nous passerions d’un système marxiste actuel à un système capitaliste, avec droits de propriété, vol potentiel donc condamnation potentielle, protection de la vie privée et rémunération des propriétaires de données, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Oui, vous avez bien lu, Google, Facebook et cie sont en fait marxiste, et même des maoïstes digitaux, pour citer Jaron Lanier, pionnier du web, inventeur de la réalité virtuelle et du Kinect, et qui lutte contre ces folies et appelle de ses voeux une économie humaine de l’information.

Voici une conférence passionnante qu’il a donnée à Standford, donc au cœur du réacteur :

Ainsi, avec une information et des données personnelles payantes, on règlerait à la fois les problèmes du chômage (des millions de personnes pouvant toucher un revenu de base grâce à leurs données personnelles), voire de la pauvreté (même le SDF a des données personnelles, et pourrait ainsi revenir dans le circuit économique), de la vie privée (alors que Google, Facebook et les autres veulent nous faire croire que la vie privée est dépassée), de la qualité (les informations achetées pouvant être notées), etc.

Nous avons donc un gros problème avec cette histoire de singularité, mais nous avons aussi une solution à portée de main, qui pourrait être bien meilleure que la situation actuelle. Il faut bien reconnaître que le chômage et la crise sont dus en grande partie à l’utilisation qui a été faite d’internet et des algorithmes (notamment et y compris dans le domaine de la finance, comme le souligne Lanier). Pour autant il serait stupide de diaboliser la technologie, qui n’est qu’un outil. Tout dépend de ce que l’on en fait. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. L’être humain est donc une fois de plus face à son destin : choisira-t-il la survie ou l’extermination ?