@Machiavel :
0. Faut bien que ce site serve à quelque chose. C’est pas avec des Mjöllnir ou autre qu’on peut débattre. T’as raison : ça fait du bien. ^^
1. A. Je veux bien reconnaître que son style peut amener à s’interroger sur des questions essentielles et profondes... mais du moment que ça ne s’arrête pas à lui. Si malgré tout il peut servir de passerelle vers autre chose, je signe. Simplement je trouve pas mal de ses considérations plutôt malsaines et son absence de stabilité ne me rassure pas. Donc je signe mais en restant très partagé. Disons que je regrette que cette politisation, cette élévation ne se fasse pas autrement et avec d’autres idées.
B. "Le rire est une chose sérieuse" est une formule creuse qui ne veut rien dire. C’est à l’image de ce que je leur reproche : de belles formules qui font mouche, qui impressionnent, à la Zemmour, tu as entièrement raison mais avec pas grand chose derrière. Mais justement, tu fais bien de comparer avec Zemmour parce que ça me rappelle une interview de Naulleau qui expliquait cet abus de formules creuses. Quand il a commencé sa carrière de chroniqueur, il explique qu’il est arrivé, naïvement, la fleur au fusil en espérant pouvoir débattre posément et sérieusement avec les invités. Il a vite déchanté et compris qu’il avait en face de lui des experts en communication et que le contexte télévisuel dans lequel il se trouvait interdisait tout débat sérieux et posé : il faut faire mouche très vite et abattre son "adversaire" en abusant de paralogismes et en acceptant l’idée de foutre son honnêteté intellectuelle dans son cul. Et effectivement, Zemmour, Soral et Dieudo excellent particulièrement dans cet art, sauf que les sujets abordés sont sérieux et méritent qu’on s’y penche avec toute l’honnêteté possible. D’ailleurs, qu’ils utilisent cette technique pour abattre un expert en communication qui cherche à les contredire, soit. Il y a une certaine forme d’égalité. Mais qu’ils utilisent cette technique dans des monologues et donc contre des spectateurs lambdas qui ne sont pas des experts en com, qui ne sont pas forcément capables de faire la part des choses, qui ne connaissent pas forcément le terme "paralogismes", qui n’ont pas un sens critique suffisamment aiguisé... Là, ça m’emmerde. Je sais qu’on reste dans le format "vidéo" mais ils trichent et font passer leurs messages d’une façon malhonnête à des gens malléables. C’est en ça que je préfère nettement Chomsky qui invite en permanence les gens à développer leur esprit critique (lire l’excellent Petit Cours d’autodéfense intellectuelle, de Normand Baillargeon) et à l’exercer y compris contre lui-même. En cela, sa démarche est infiniment plus saine et honnête. Il ne balance pas sa vérité à des gens désarmés mais invite les gens à s’armer pour qu’ils soient capables de se faire leur propre opinion et à ne pas se faire baiser. Soral et Dieudonné, autant que je sache, ne font pas ça. Et pour moi c’est la base si on veut changer le monde de façon positive : il ne faut pas imposer son idéologie au peuple mais l’éduquer de façon à ce qu’il soit capable de faire la part des choses, de décrypter, de ne pas se faire baiser par ce genre de formule dont abusent journalistes et politiques, bref afin que le peuple soit véritablement libre, qu’il ne consente à un choix politique qu’après l’avoir compris.
Quant au mélange de l’humour et du sérieux, c’est malheureusement pareil : de la com. Une façon de faire passer ses tartines en douceur. Soral critique vertement tout en usant des mêmes stratégies ceux qu’il dénonce. Et c’est en cela que son passage sur les "sodomites" dans cette vidéo m’a fait tiquer : on peut tout aussi bien l’appliquer pour lui-même, et il doit parfaitement en être conscient tant l’hypocrisie est flagrante.
2. Punk n’est pas du tout le terme qui me vient quand je regarde Soral... Mais bon soit. Concernant sa volonté de se démarquer, je ne peux pas lui faire de procès d’intention. Peut-être le fait-il naturellement. Par contre, je tiens à attirer ton attention sur une chose essentielle : son absence des médias (très relative, mais j’y reviendrai) ne prouve absolument rien. Déjà, il n’est pas absent des médias mainstream. On le voit peu mais on l’y voit. Par contre il est omniprésent sur Internet et ses livres ne sont pas censurés. Maintenant, pourquoi n’est-il pas une élite intellectuelle reconnue comme BHL ou Onfray ? Parce qu’il s’est mis, comme Dieudonné dans un cercle vicieux dont ils ne peuvent sortir sans perdre leur crédibilité. Ils sont dans le rejet absolu des médias mainstream, c’est pour cette raison que ces mêmes médias ne les invitent pas, pour d’autres aussi, sans doute, mais à la base ils n’y sont pratiquement plus parce qu’ils ne veulent plus y apparaître et s’ils changent d’avis, ils seront perçus comme des vendus.
Cela étant dit, on ne peut pas trancher quant à ses intentions. Il se démarque, c’est un fait. Il a un style à la zemmour, en plus violent, ses idées vont à l’encontre de celles établies quasi-systématiquement, plus encore que Zemmour. Et tout ça sert grandement ses intérêts, au détriment d’une certaine honnêteté intellectuelle.
4. On ne peut pas déposséder Chomsky de tout son crédit pour ce genre de propos. D’une part, parce que même si je partage ton opinion et que le 11/9 est tout sauf clair... ben justement, c’est tout sauf clair. Autrement dit, on ne peut pas dire que Chomsky a tort sans en avoir la preuve claire et nette. Un faisceau d’éléments semble indiquer qu’il a tort sur ce coup-là et aussi sur l’assassinat de Ben Laden. Seulement, je pense que Chomsky refuse de s’aventurer sur un terrain où il risquerait bien plus de perdre sa crédibilité, tout comme Mélenchon avec le Siècle. Et je leur donne raison. Je me positionnerai lorsque j’aurai des preuves claires et nettes sur le 11/09, l’assassinat de Ben Laden et quant au Siècle... ma position est toute choisie : c’est celle de la démocratie. La collusion entre puissants n’est pas une invention démocratique, elle a toujours existé et une dictature sanguinaire qui mettrait tous les membres de ce club dans un camp ou les exterminerait ne réglerait pas le problème... puisque ce serait d’autres oligarques qui disposeraient d’un pouvoir au moins équivalent. Sur le sujet, le meilleur livre que j’aie pu lire s’appelle Ruy Blas il est de Victor Hugo. C’est dire si ça date, si des démocraties et des dictatures sont passées par là et si un régime a un jour été capable d’empêcher cette collusion, ça se saurait.
J’ai regardé le passage que tu m’as indiqué sur la vidéo et... ben c’est un déballage de conneries du même genre que ce que j’avais déjà eu l’occasion de voir. Je ne crois pas avoir entendu sur les 5 minutes une seule chose qui me semble juste.
- "C’est la postérité qui dit si vous avez du talent". Si seulement c’était aussi simple... La vérité c’est que la postérité ne dit pas grand chose. Je comprends qu’il puisse commettre cette erreur, la plupart des gens pensent que les classiques ont toujours été des classiques et qu’ils resteront toujours des classiques parce qu’ils manquent de recul et qu’on les met sur un tel piédestal qu’on peut difficilement s’imaginer qu’ils ont été méprisés et encore moins qu’ils le seront un jour. C’est pourtant le cas. Les classiques varient énormément. Ils sont désignés par des intellectuels qui officient dans les maisons d’édition et les revues littéraires en fonction de critères particulièrement abstraits qui ne cessent d’évoluer avec la culture et la politique. Un exemple concret : Voltaire est aujourd’hui un classique parce qu’il incarne les valeurs de la démocratie mais il est de plus en plus dénigré par les élites littéraires justement à cause de ses qualités littéraires, de son talent, jugés très faibles. Ce ne serait pas étonnant qu’il sombre dans l’oubli d’ici un siècle, surtout si la démocratie dont il dépend est renversée au profit d’une dictature, d’une monarchie ou si on lui trouve de meilleurs défenseurs. Et puis peut-être que dans deux siècles on le redécouvrira pour des raisons qui nous échappent tout autant et qu’on le trouvera absolument génial à tous les niveaux.
C’est fort dommage qu’il commette cette erreur parce que cette notion est absolument essentielle dans l’appréhension des sujets qu’il traite.
- "Le rôle d’un écrivain est de s’approcher au plus près de la vérité". Il a vu ça où ? Il a une conception incroyablement rigide de la littérature qu’il pose comme une vérité absolue. Non, c’est SA conception et absolument rien de plus. L’écrivain a le rôle qu’il veut bien se donner : il peut faire dans le sérieux, le politique, le polémique, le philosophique ou faire dans la distraction, l’évasion ou encore faire simplement dans le beau. Il n’y a JAMAIS eu un rôle prédéfini et clair de la littérature et il n’y en aura jamais, chaque écrivain et chaque livre est différent.
- "L’écrivain à style se croit au dessus du social etc." Alors, sur ce passage là, il se tire carrément une balle dans le pied parce qu’il décrit assez précisément ce que je lui reproche en le critiquant avec force... Au-delà de ça, idem, il généralise à tort. Il a visiblement en tête des personnes bien précises et là encore il fait ce qu’il dénonce en ne les nommant pas clairement. Il parle de Nabe et d’autres mais ce sont des gens avec qui il a débattu du sujet, pas des exemples, ou alors il faudrait qu’il le dise.
- "Je vous rappelle qu’historiquement l’écrivain est l’éveilleur de conscience de la bourgeoisie." Même remarque : il a vu ça où ? Il dit ça comme si c’était évident, une vérité absolue alors que c’est complètement faux. Il y a eu des lumières, il y a eu des Zola et des Balzac mais il semble ignorer que ce Balzac infiniment supérieur d’après lui à Flaubert (pur jugement de valeur parfaitement subjectif) a aussi écrit un sacré paquet de bouquins merdiques, sous pseudonyme, pour éponger ses nombreuses dettes, et que ce n’était alors que du pur divertissement.
- "L’écrivain participe du processus bourgeois, ce n’est pas le tragédien grec...". Le tragédien grec n’était pas un écrivain ? Une catégorie inventée par la bourgeoisie ? On doit vraiment pas vivre dans la même dimension...
- "Le style est un épiphénomène". Il faudrait qu’il lise la définition du style... Moi, quand je l’entends dire tout ça, j’ai l’impression qu’il parle de Beigbedder et de Nothomb. Parce que pour ces deux-là, effectivement, c’est le style, la tournure de phrase, la formule choc qui prime sur le fond (comme pour la vidéo ci-dessus et comme pour la plupart des interventions de Dieudonné, donc...). A titre personnel, ces bouquins ne me transcendent pas, ils ne m’élèvent pas, ils me font juste passer le temps... et ils n’ont pas d’autre fonction et ce ne sont pas les premiers à faire de la littérature distraction. Maintenant, si ce qu’il veut dire c’est que Beigbedder et Nothomb sont des épiphénomènes qui ne passeront pas à la postérité... ben il est possible qu’il se plante quand même. Jules Verne n’est rien de plus que le Werber du XIXème et pourtant il reste un classique (mais pas pour très longtemps) et il semble oublier la poésie qui a côtoyé au XIXème les Hugo, Zola et Balzac et qui ne sont, là encore, rien de plus que du style, bien plus encore que Beigbedder et Nothomb...
- "Ne pas nommer les acteurs c’est de la lâcheté (je retranscris à peu près, la phrase était trop longue)". Ou du respect. Ou autre chose. C’est très discutable. Parce que ne pas nommer quelqu’un, ça peut aussi être une forme de mépris ou ça peut être pour éviter de lui donner de l’importance. Dans tous les cas, il n’a toujours pas nommé les gens qu’il dénonce...
5. Oui et j’aime bien les divergences, surtout que là tu vois que tu es mal parti pour sauver le soldat Soral à mes yeux.
Je te répondrai sur le nouvel ordre mondial aussi mais plus tard. Déjà là ça m’a pris pas mal de temps et l’air de rien on n’est pas payés pour débattre sur Agoravox. ^^