Le socialisme vu par Tocqueville
Alexis de
Tocqueville fut très marqué par la révolution de 1848, fondatrice d’une
nouvelle génération que l’on a nommé les quarante-huitards. À la suite
de ces événements, et dans la continuité de sa réflexion sur
l’apparition de la démocratie, il s’est interrogé sur ce qu’est le
mouvement socialiste. Le socialisme a de nombreuses racines françaises,
avec des auteurs variés qui ont émis des idées sur la question sociale,
avant de voir lesdites idées synthétisées et accaparées par Karl Marx.
Mais comme toujours, Tocqueville a cette capacité à faire des analyses
brillantes, réunissant ses réflexions en des phrases percutantes.
Il
reconnaît ainsi dans le socialisme l’amour passionné de l’égalité,
jusque dans la servitude. Si la passion égalitaire est le grand fait
social de la démocratie, qu’il faut bien comprendre, dans la pensée
tocquevillienne comme un état social, et non pas comme une forme de
gouvernement, cette passion égalitaire atteint son acmé dans le
socialisme, qui vibre pour la défense de cette idée. Le socialisme vise
alors à une révolution sociale, et non pas à une révolution politique.
S’il cherche à modifier le politique, c’est dans la mesure où celui-ci
influe sur le social. L’action politique n’est donc qu’un chemin vers
une transformation sociale qui est le véritable but visé par le
socialisme. Cette visée sociale est encore opérante de nos jours. Même
si les socialistes ont déserté la question économique pour se concentrer
sur la question sociétale, entre autres avec le mariage homosexuel,
c’est bien de la transformation de l’homme qu’il s’agit, et non pas
d’une amélioration quelconque des conditions de vie.
Ainsi, pour
Tocqueville, trois traits caractérisent le socialisme : il flatte les
passions matérielles, il diminue le poids de l’individu face à l’État,
réduit à un mineur sous tutelle, il détruit la propriété privée.
La
flatterie des passions matérielles se retrouve de nos jours dans la
thématique du pouvoir d’achat, qui est une thématique sans fin, car
celui-ci peut toujours augmenter, et l’homme est toujours limité dans sa
frénésie consumériste. C’est donc un but inatteignable, et source de
perpétuelles rancœurs. La flatterie de cette passion sensualiste est un
jeu gagné à coup sûr.
La mise sous tutelle de l’individu par
l’État, déjà présente au XIXe siècle, est plus que jamais actuelle.
L’édification d’un État maman, ou nourrice, qui se traduit notamment par
la dévalorisation systématique du rôle du père, est le moyen optimal
pour retirer tout sens de l’initiative à l’individu, pour l’enfermer
dans un état d’asservissement béat face à la providence totale de
l’État. On attend tout de lui : travail, retraite, loisir, aides
sociales, culture. L’individu se trouve énervé, c’est-à-dire sans nerf,
impuissant dans son action créatrice, incapable d’autonomie personnelle.
Enfin,
l’attaque contre la propriété privée à de nos jours changé de
substance. Il ne s’agit plus de nationaliser les entreprises, mais de
retirer aux peuples la propriété qui leur est le plus chère,
c’est-à-dire leur pays. L’idéologie immigrationniste, la volonté de
substitution de population et de culture, à l’œuvre en Europe, est le
fruit de cette atteinte à la propriété privée. Comme autrefois l’État
socialiste voulait retirer l’entreprise au patron, ou les terres aux
paysans, aujourd’hui il veut retirer son pays au peuple, considérant que
celui-ci est la propriété de tous, c’est-à-dire in fine la propriété de
l’État, qui peut l’accorder à n’importe qui. Derrière cette atteinte à
un bien fondamental on retrouve le même procédé d’émission de bons
sentiments, qui a chaque fois ne font qu’engendrer pauvreté et misère.
Tocqueville
va jusqu’au cœur de l’analyse du socialisme, en montrant que celui-ci
engendre une guerre civile permanente en montant les classes les unes
contre les autres. Cette guerre des classes ne produit que frustration
et haine sociale, détruisant les liens fondamentaux d’un pays,
provoquant une dissolution de celui-ci. Le socialisme se présente alors
comme l’apôtre exclusif de la démocratie et de la liberté, alors que son
action politique en est tout l’inverse. L’analyse passée du moraliste
de la génération de 1848 se conjugue très bien au présent de notre
génération
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