"Le Prince" de Machiavel, morceaux choisis et lus
Le Prince est un traité politique écrit au début du xvie siècle par Nicolas Machiavel, homme politique et écrivain florentin, qui montre comment devenir prince et le rester, analysant des exemples de l’histoire antique et de l’histoire italienne de l’époque.
Parce que l’ouvrage ne donnait pas de conseils moraux au prince comme les traités classiques adressés à des rois, et qu’au contraire il conseillait dans certains cas des actions contraires aux bonnes mœurs, il a été souvent accusé d’immoralisme, donnant lieu à l’épithète « machiavélique ».
Pourtant Nicolas Machiavel était un républicain. : Il a dans le même temps écrit les Discours sur Tite-Live, traité du gouvernement républicain.
Si on lit le Prince avec attention, ou verra que Machiavel, en se fondant sur des considérations d’intérêt, de sécurité, et surtout de puissance militaire, incite le Prince à créer les conditions de la république : il faut lutter contre les puissants, protéger les humbles, armer le peuple et non s’armer contre lui. Qui sait lire découvrira, dans le Prince comme dans les Discours, les fruits d’une réflexion ardente sur les conditions réelles de la liberté.
Cela n’a pas échappé à certains grands esprits :
- Rousseau cite dans le Contrat social Machiavel comme celui qui a montré l’intérêt des princes à opprimer le peuple. Il en déduit qu’« en feignant de donner des leçons aux Rois il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains. »
- Plus tôt, c’est Montesquieu qui est inspiré par Machiavel, ; au-delà des quelques allusions directes, on peut voir un lien plus profond entre la pensée des deux philosophes, une attitude commune vis-à-vis de la politique et un même refus des préjugés.
- De même, Hegel, dans son essai Sur la constitution allemande, après avoir remarqué les similitudes entre l’Allemagne qu’il connaît et l’Italie de Machiavel, condamne l’« étroitesse de vue » de ceux qui ont condamné le Prince comme un manifeste de la tyrannie et interprète « le Prince » comme portant un sens républicain caché, clame la justesse de l’ouvrage comme réponse à un contexte historique donné.
Il faut signaler qu’en 1520 le pape lui lait demander ses idées sur l’organisation politique de Florence, il rédige le plan d’une constitution qui, assurant l’autorité de Léon X durant sa vie, deviendrait à sa mort parfaitement démocratique. Évidemment, on ne tiendra pas compte de ce plan.
Ce livre s’est aussi révélé utile à des princes comme l’attestent ces notes de Napoléon Bonaparte dans son exemplaire du prince :
- Sur les fondements à la puissance de César Borgia : « Je voudrais que tu ne l eusses pas dit à d’autres qu’à moi mais on ne sait pas te lire : cela revient au même. »
- "Machiavel, quel secret tu leur révèles ! Mais ils ne te lisent pas et ne t ’ont jamais lu".
- Sur la cruauté : « garde-toi bien de leur dire, ils ne paraissent pas d’ ailleurs disposé à te comprendre ».
- « Machiavel devrait être content du profit que j’ai tiré de ce conseil ».
- Sur la conquête de l’Italie : « On voit que Machiavel voulait en avoir sa part : je la lui donne car il m’a bien servit ».
Dans le contexte actuel, il fondamental pour ceux qui rêvent de révolution contre leurs classes dirigeantes de lire cet ouvrage, extrêmement important. La niaiserie en politique n’a pas sa place, plutôt que de partir de ce qui devrait idéalement être, Machiavel se propose de partir de la « vérité effective » des choses.
Le texte du commentaire :
CHAPITRE XV :Des choses pour lesquelles tous les hommes, et surtout les princes, sont loués ou blâmés.
Il serait très beau, sans doute, et chacun en conviendra, que toutes les bonnes qualités que je viens d’énoncer se trouvassent réunies dans un prince. Mais, comme cela n’est guère possible, et que la condition humaine ne le comporte point, il faut qu’il ait au moins la prudence de fuir ces vices honteux qui lui feraient perdre ses États. Quant aux autres vices, je lui conseille de s’en préserver, s’il le peut ; mais s’il ne le peut pas, il n’y aura pas un grand inconvénient à ce qu’il s’y laisse aller avec moins de retenue ; il ne doit pas même craindre d’encourir l’imputation de certains défauts sans lesquels il lui serait difficile de se maintenir ; car, à bien examiner les choses, on trouve que, comme il y a certaines qualités qui semblent être des vertus et qui feraient la ruine du prince, de même il en est d’autres qui paraissent être des vices, et dont peuvent résulter néanmoins sa conservation et son bien-être.
CHAPITRE XVII :De la cruauté et de la clémence, et s’il vaut mieux être aimé que craint.
Sur cela s’est élevée la question de savoir : S’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ?
On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé (…).Ajoutons qu’on appréhende beaucoup moins d’offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre ; car l’amour tient par un lien de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine, et qui cède au moindre motif d’intérêt personnel ; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette peur ne S’évanouit jamais (…).
Cependant le prince qui veut se faire craindre doit s’y prendre de telle manière que, s’il ne gagne point l’affection, il ne s’attire pas non plus la haine ; ce qui, du reste, n’est point impossible ; car on peut fort bien tout à la fois être craint et n’être pas haï ; et c’est à quoi aussi il parviendra sûrement, en s’abstenant d’attenter, soit aux biens de ses sujets, soit à l’honneur de leurs femmes (…)je dis que tout prince doit désirer d’être réputé clément et non cruel. Il faut pourtant bien prendre garde de ne point user mal à propos de la clémence. César Borgia passait pour cruel, mais sa cruauté rétablit l’ordre et l’union dans la Romagne ; elle y ramena la tranquillité de l’obéissance (…).En faisant un petit nombre d’exemples de rigueur, vous serez plus clément que ceux qui, par trop de pitié, laissent s’élever des désordres d’où s’ensuivent les meurtres et les rapines ; car ces désordres blessent la société tout entière, au lieu que les rigueurs ordonnées par le prince ne tombent que sur des particuliers.
CHAPITRE XVIII :Comment les princes doivent tenir leur parole.
Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner. Il ne serait pas bon sans doute, si les hommes étaient tous gens de bien ; mais comme ils sont méchants, et qu’assurément ils ne vous tiendraient point leur parole, pourquoi devriez-vous leur tenir la vôtre ? Et d’ailleurs, un prince peut-il manquer de raisons légitimes pour colorer l’inexécution de ce qu’il a promis ?
Pour en revenir aux bonnes qualités énoncées ci-dessus, il n’est pas bien nécessaire qu’un prince les possède toutes ; mais il l’est qu’il paraisse les avoir. J’ose même dire que s’il les avait effectivement, et s’il les montrait toujours dans sa conduite, elles pourraient lui nuire, au lieu qu’il lui est toujours utile d’en avoir l’apparence. Il lui est toujours bon, par exemple, de paraître clément, fidèle, humain, religieux, sincère ; il l’est même d’être tout cela en réalité : mais il faut en même temps qu’il soit assez maître de lui pour pouvoir et savoir au besoin montrer les qualités opposées (…).Mais pour cela, ce qui est absolument nécessaire, c’est de savoir bien déguiser cette nature de renard, et de posséder parfaitement l’art et de simuler et de dissimuler.
Les hommes sont si aveugles, si entraînés par le besoin du moment, qu’un trompeur trouve toujours quelqu’un qui se laisse tromper.
Sources : - Le prince
- Wikipédia
Tags : Philosophie
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