Une légende hindoue narre que dans des temps immémoriaux, tous les hommes étaient dieux. Evidemment, ils usèrent et abusèrent de leur pouvoir. Brahma voyait la situation lui échapper, s’il laissait faire. Il décida d’ôter ce pouvoir divin et de le dissimuler en un endroit où l’homme serait bien en peine de le découvrir. Où trouver cette cachette ? Tous les dieux furent convoqués à un conseil pour résoudre la question. « Enterrons la divinité de l’homme dans la terre », proposa l’un d’eux. « Non ! répondit le maître des dieux, il fera des fouilles et la déterrera. ». Un autre pensa à l’insondable profondeur des océans. « Non ! dit encore Brahma, il viendra un temps où les explorations sous-marines conduiront à la remontée à la surface de ce précieux don. »
À court d’imagination, les dieux se sentaient impuissants et désemparés. « Nous ne savons que proposer. » L’homme semblait plus inventif qu’eux ! Brahma eut alors un trait de génie : « Nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c’est bien le seul endroit où il n’aura certainement pas l’idée de pousser ses investigations. »
Georges Bernanos disait qu’on ne peut rien comprendre à la modernité, si l’on ne comprend pas qu’elle est un vaste complot contre « l’Intériorité ».
En effet, la Société ne tient qu’en « bouchant » toutes les « issues » vers le « haut » et en entravant « les conduites singulières ».
Tout est fait pour détourner l’être humain de son intériorité. Une formule à la mode résume à elle seule ce projet néfaste : « s’éclater », c’est-à-dire penser surtout à se disperser vers l’extérieur.
Aussi, désillusionné par la faillite des institutions et des autorités en lesquelles il voyait des guides, l’être humain doit cesser de mettre sa confiance en « ce qui est à l’extérieur » et, par l’introspection, l’observation et l’activité « intérieures », acquérir une discipline conforme à l’Ordre Universel, connaître les toutes-puissantes divinités qui œuvrent en lui et préparer en harmonie avec Elles sa véritable destinée.
Dans son ouvrage « Le Zodiaque », Marcelle Senard dit que le mot « INITIATION », de « IN-ITIA », qui signifie « ENTRER DANS », correspond au commencement du mouvement introspectif vers le Centre de l’Être, grâce auquel l’intelligence pénètre dans le mystère du Soi intérieur qui n’est encore pour elle que les Ténèbres de l’inconscient. Ainsi, le conscient devient capable de percevoir l’Essence de son propre Mystère : l’« ARCANUM ».
Précisons qu’il existe deux sortes d’obscurité (ou Ténèbres). La première, extérieure, « qui conjugue cécité et amnésie » dit Henry Corbin, recouvre un lieu de souffrance où l’homme se perd. Nulle part, il n’aperçoit le moindre Sentier. Soulignons que dans la « Divine Comédie », l’expression « Ténèbres extérieures » ne symbolisent jamais que le monde profane, et correspondent à l’état d’errance.
La seconde « obscurité » est intérieure : l’homme comprenant la raison de son aveuglement, rentre en lui-même afin de s’interroger sur sa véritable Nature. Alors, au plus profond de son être, « au Sommet de sa Profondeur » comme dirait Jacqueline Kelen, il distingue un passage où ne brille, tout d’abord, qu’une faible lueur. Cette première clarté deviendra pourtant la gigantesque Lumière qui lui sera offerte au terme de son « Pèlerinage ».
Alors, le but ultime de l’Initiation est d’aller à la rencontre de nous-mêmes et, dans ce « Sain Dessein », rétablir l’Unité en nous. Autrement, comme chacun sait, ce sont les « Marchands » qui envahissent le « Temple ».
La clé de notre prison est cachée au plus profond de nous-même.