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Commentaire de Rachid G.

sur Alain Soral, entretien de février 2012


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Rachid G. Rachid G. 29 février 2012 00:42

Alain Soral, pour qui j’ai un profond respect, délire totalement au sujet de Tariq Ramadan. Ainsi, explique-t-il, le professeur suisse se risquerait à une félonie sans nom en préparant "Vatican II" (!) et ce, parce qu’il n’est pas assez enraciné, bénéficie d’une audience large à la télévision, etc, et j’en passe et des meilleurs. Cette analyse a le don de me décevoir fortement !
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Déjà, Tariq Ramadan n’est pas un réformateur comme l’indique Alain Soral, mais plutôt un réformiste. En d’autres termes, son but n’est non pas d’altérer les textes sacrés (Coran + Sunna), ce qui le sortirait in-extenso de l’islam, mais plutôt de faire prendre conscience aux musulmans que l’immuabilité n’entre nullement en contradiction avec la contextualisation ; qu’ils peuvent vivre sereinement leur religion dans un cadre hétéroclite.
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Concernant son accès aux médias, je trouve culotté qu’un Mariniste s’étonne, s’insurge qu’un intellectuel indépendant soit souvent invité. En effet, comparativement à l’audience dont bénéficie Marine Le Pen, Tariq Ramadan est imperceptible. A cela, j’ajoute que rares sont les fois où le plateau dans lequel il se trouve n’est pas infesté d’invités et / ou journalistes spécialement présents pour lui couper la parole, le provoquer voire pour l’invectiver.
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S’agissant de son sens du nomadisme, la comparaison qu’il établit avec Attali est abusive, injuste. Tariq Ramadan est un homme simple dans sa complexité. A l’instar de millions d’individus, son lieu de travail se situe dans un pays étranger au sien. En exerçant l’essentiel de son enseignement à la prestigieuse université d’Oxford, il est pour le moins logique qu’il vive en Angleterre. Mais il descend autant que faire se peut en Suisse, retrouver sa famille et n’en oublie pas pour autant de donner des conférences dans d’autres contrées. A ce propos, je conseille à Alain Soral de l’écouter plus souvent car contrairement à ce qu’il assène, Tariq Ramadan est un être profondément spirituel, quelqu’un d’habité par le rappel du Divin. Certes, vous n’entendrez pas cet homme claironner des "Allah akbar" à chacune de ses phrases, mais il ne cesse d’en expliquer la raison.
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Pour finir, je reviendrais un court instant sur l’ouverture du Centre de recherche pour l’éthique (CILE) au Qatar. Alain Soral prétend que le fait que ledit centre ait lieu dans ce pays prouve non seulement le caractère suspect de Tariq Ramadan, mais aussi son incohérence quant à sa dénonciation - pour le coup légitime - des accointances entre les élites occidentales et l’Arabie Saoudite. Or, rappelons que le professeur genevois est interdit d’accès sur les sols saoudien, libyen, yéménite, algérien, égyptien et de quelques autres pays pour avoir adopté une position extrêmement claire vis à vis des régimes en place. Il ne pouvait pas non plus entrer aux Etats-Unis, pays qui l’accusait d’être le cerveau de groupes djihadistes en Europe. Seulement, cette accusation n’était plus, ni moins que le fruit de l’imagination du gouvernement belliqueux d’Amérique, qui ne détient pas la moindre preuve de ce qu’il avançait. Bref, revenons à ce qui nous intéresse. Concernant l’ouverture récente du centre qu’il préside, Tariq Ramadan a tenu à préserver le caractère indépendant du projet :
« Je ne travaille pas pour le Qatar, mais pour une institution académique dont j’ai assuré l’indépendance de la pensée. La preuve est que je continue à être critique sans que personne interfère. Le jour où je serai empêché de faire mon travail (…), j’arrêterai.  » Et d’insister : «  Jusque-là, personne ne m’a jamais ennuyé. »
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Alain Soral est un homme dont il serait absolument saugrenu de remettre en cause l’honnêteté intellectuelle. A cet égard, je le sais être sensible aux causes qu’il défend, mais aussi et surtout très sincère. Malgré son ton agressif et le côté punk dont il se revendique, d’ailleurs, ce n’est aucunement quelqu’un que je qualifierais de méchant et encore moins de manipulateur. Cependant, je lui reproche de parfois s’emmêler dans ses analyses jusqu’à devenir abscons, voire sur certains sujets naïvement dangereux. Autrement, c’est un homme dont je me sens très proche, bien que ne partageant pas certaines de ses idées.


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