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Commentaire de Walid Haïdar

sur Le coup de gueule de Gérard Lanvin contre Hollande, Mélenchon et Torreton


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Walid Haïdar 23 janvier 2013 21:55
"il y aura toujours des gens qui par chance accumuleront beaucoup plus que les autres"

Ca ça s’appelle une croyance.

"un système parfait n’existe pas"

Ca ça s’appelle une trivialité. Intellectuellement parlant, c’est aussi honnête que si un gars avait mal aux dents, qu’il demandait de l’aide, et que je lui répondais : "mais un monde sans douleur, ça n’existe pas mon vieux". Le genre d’assertions qui font avancer le schmilblick quoi...

Le problème des gens riches comme Lanvin, Depardieu et autres, c’est qu’ils pensent que le système qui répartit la richesse avant redistribution, est juste. Autrement dit, ils pensent qu’ils méritent réellement de gagner ce qu’ils gagnent, et que s’ils contribuent à la solidarité nationale, c’est déjà bien gentil de leur part, mais faut pas pousser. Voilà comment ils pensent.

D’après moi, si quelqu’un mérite réellement de gagner X euros, lui en prendre 1 seul par la force de la loi, quelle que soit la valeur X, même 100 milliards de milliards d’euros, j’appelle ça de la spoliation, parce qu’on prend à quelqu’un ce qui lui revient : il l’a mérité. Or chacun doit avoir ce qu’il mérite (même si le monde n’étant pas parfait hein, tout est question de mesure et d’ordres de grandeur).

Mais d’après moi, quelqu’un qui croit qu’il mérite réellement de gagner ne serait-ce que 1 million d’euros par an, quel que soit ce qu’il fait dans la vie, est victime d’une grave hallucination, puisqu’il pense qu’il vaut par exemple 10 à 20 fois la valeur d’un ingénieur de haut niveau, mais aussi et surtout parce qu’il ne semble pas calculé tout ce que ses talents doivent à ce qu’il a puisé dans son environnement, tout ce qu’il hérite de l’histoire des hommes, et tout ce qu’il doit à la chance (qui est à peu près l’antithèse du mérite).

Qui forge cette hallucination ? Le système dont vous et moi faisons partie.

Par ailleurs, on a vu comme des agents du système économique, qu’on appelle traders ont gagné et fait gagner énormément d’argent à certaines personnes, alors même que leur activité était souvent un réel poison pour la société toute entière. Cet exemple montre clairement qu’il n’y a aucune raison de penser a priori que chacun mérite ce qu’il gagne, et qu’on peut même gagner énormément en étant extrêmement nuisible.

La loi n’est donc pas seulement imparfaite : elle est de fait une construction politico-historique qui induit potentiellement des aberrations dont l’absurdité peut défier l’imagination (la finance actuelle le prouve largement me semble-t-il, mais le concept de rentier le fait déjà largement depuis que l’argent existe).

Par conséquent, les revenus de chacun sont d’emblée susceptibles d’être, d’une manière ou d’une autre, dans une proportion ou une autre, mal acquis, bien que légalement acquis.

Mais la remise en question des acquisitions légales de chacun posent plusieurs questions d’ordres différents, dont au moins celles-ci :
- existe-t-il un agent objectif capable de décider qui mérite quoi ? La réponse est non.
- si la majorité des membres d’une société sont tournés vers la jouissance de biens et services produits par d’autres, achetés avec de l’argent (en un mot, une société consumériste), est-il possible que cette société décide démocratiquement de ce qu’il est juste de gagner comme argent ? A n’en pas douter, une telle société décidera ce que diront ses agents les plus influents, de par leur nombre, ou de par leur méthodique organisation de classe consciente d’elle-même, à même de contrôler dans une large mesure les médias, la culture, et les institutions.

Par conséquent, il n’y a pas à tortiller. Ceux qui occultent la réalité sont ceux qui occultent le fait vieux comme le monde, que les classes conscientes d’elles-mêmes ne font pas de cadeaux, et même si elles se déclarent pour le bien commun (quel crétin ne dirait pas cela ?), ce bien commun, elle le définissent elles-mêmes, et il n’y aucune raison autre que stupide de croire que cette définition du bien commun répond à autre chose qu’à l’intérêt de cette classe, ou plutôt à son désir. Dès qu’une classe est consciente d’elle-même et se constitue comme telle, elle s’organise pour faire triompher son désir autant qu’il lui est permis de le faire.

Nous sommes actuellement dans une société consumériste, dont la course est grosso modo dictée par ses classes dominantes, par médias et culture de masse interposés. Il n’y a donc pas dans les masses, de conscience aiguë de classe, ou pas très large. Le désir de la masse est donc largement orienté par le désir des classes supérieures, et notre machine infernale poursuit sa route forte de ce carburant fondamental, essentiel.

En l’absence de conscience de classe des masses, comment pourrait-il arriver démocratiquement au pouvoir une force qui corrige la répartition délirante des richesses en capitalisme ? Et comment cette force pourrait-elle faire cette re-répartition sans remettre en cause le consumérisme lui-même, qui tourne nos désirs vers tout ce qui produit les aberrations de répartition ? Par exemple, si nous désirons avoir des héros cinématographiques adulés comme des "rois de la comédie" plutôt que des troupes de saltimbanques, comment désirer en même temps que les comédiens soient payés de façon décente et conforme au bien commun ? en effet, si le désir des masses est d’avoir des rois et des princes de la comédie, il est conforme au désir des masses que ces gens méritent bel et bien de gagner des sommes astronomiques, crise ou pas crise (qu’imprime comme changement dans nos consciences la crise en question ? rien ? alors ne changons rien et crevons la bouche ouverte).

Ainsi, la répartition des richesses est le reflet de nos propres consciences désirantes, il n’y a pas beaucoup d’étrangeté entre les deux, et il paraît donc illusoire, fautif, de désirer une répartition des richesses appropriée au bien commun, qui serait radicalement différente, sans désirer un changement radical de désir des masses que nous constituons.

La lumière paraît donc au pire au bout du tunnel de l’autodestruction capitaliste, ou au mieux sur son chemin. Moins le capitalisme aura la capacité de satisfaire les désirs qu’il crée, plus il y aura divergence entre les désirs de masse et les désirs des dominants du système, et moins ce système sera tenable.

A chacun d’oeuvrer en conscience de son désir propre, pour le réaliser, et empêcher les désirs ennemis de se réaliser. C’est ce que font les dominants depuis la nuit des temps, par construction, et c’est pour cela qu’ils prennent soin de diriger les désirs des autres.

Le rôle d’un révolutionnaire est d’encourager par le verbe et par l’action, les gens à faire bifurquer leurs désirs.

La seule question qui vaille est donc la suivante : qui dirige mes désirs ? et cette unicité de principe est bien heureuse car la puissance de l’action est proportionnelle à la simplicité des principes qui l’animent (on se référera au noeud gordien en cas de doute).

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