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Commentaire de Éric Guéguen

sur Daniel Cohn-Bendit à propos de la démocratie réelle, le tirage au sort, la dette et la création monétaire


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Éric Guéguen Éric Guéguen 21 avril 2013 12:05

"La majorité, c’est la seule légitimité".
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Ça, c’est le dogme démocratique qui le stipule !
Imaginez que vous ayez à subir une intervention chirurgicale dans un hôpital public. Le peuple devrait donc avoir un droit de regard sur la manière dont va être entreprise l’intervention... avec ses deniers ! À suivre le principe démocratique dans ses moindres recoins, il faudrait organiser un référendum, au moins au niveau local, ou ne serait-ce qu’au sein des employés hospitaliers réunis en décideurs égaux, afin d’élire le chirurgien dont le diagnostic et la solution apportée semblent les mieux appropriés.
Vous, sur le billard, que pensez-vous alors de la démocratie ?
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Autre exemple, moins dramatique.
Vous apprenez qu’il est question d’installer la fibre optique dans votre immeuble. En tant que propriétaire de votre appartement, vous êtes convié à vous exprimer sur la question, à en débattre auprès du syndic et à voter pour ou contre une installation qui, vous le savez, ne coûtera rien à la copropriété mais sera prise en compte par la municipalité à 100%. Majoritairement, il se trouve que les copropriétaires sont des personnes âgées, qui ne s’intéressent pas à ce genre de choses, et avancent le droit - tout à fait démocratique - de ne pas se renseigner sur la question. Elles y voient surtout un dérangement inopiné, votent en masse contre l’adoption de ce projet commun et emportent la décision finale.
Le débat, dans ce cas, est tout à fait tronqué, mais la "démocratie" est contrainte de se plier à la "majorité, seule légitimité".
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Nous pourrions multiplier les exemples, il n’y a guère qu’un domaine où la compétence n’a pas droit de cité : c’est la politique. La politique, d’après Aristote, est la discipline architectonique, celle donc qui permet et garantit TOUTES les autres. D’où l’intérêt - démocratique - d’anesthésier sa puissance en évacuant toute référence à la compétence de son champ d’expertise et en s’en remettant au principe majoritaire, sans plus d’égards pour le bien-fondé de l’avis émis, tout à fait libéral, donc tout à fait arbitraire (au vrai sens du terme).
Que nous disent les partisans actuels d’une hypothétique démocratie "directe" ? Que la représentation est encore une référence de trop à une compétence, usurpée qui plus est. Voilà qui est dangereux. C’est dangereux parce que l’égalitarisme nuit à la démocratie qui n’est pas, originellement, le régime de l’égalité, mais celui de la liberté. Oui, la liberté accordée à ceux (minoritaires dans la cité) capables d’accorder du temps à la délibération et à la publicité de leurs idées sur telle question donnée. Ce qui garantissait et suscitait - au moins - un minimum d’intérêt pour la politique.
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La politique est une discipline fastidieuse, ingrate, chronophage, et néanmoins essentielle. La démocratie l’a émasculée par deux leviers : la professionnalisation d’un côté, le suffrage universel de l’autre. Elle a, de ce fait, laissée le champ libre aux rois de la finance.
Amen.


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