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Commentaire de Miroreur

sur Les Enfants De La Surconsommation


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Miroreur Miroreur 16 septembre 2014 13:25
Produits pleureurs (ces produits que l’on retrouve à hauteur des yeux et à portée des mimines des petites têtes blondes ... et crépues - là-dessus on est bien tous égaux face aux stimulus sensoriels émis par les emballages), neuro-marketting ... les industriels rivalisent de stratégies pour camer le consommateur et flatter sa naturelle tendance à emprunter le chemin le plus court entre le sujet qu’il a renoncé à être et l’objet vers lequel il aspire tant à tendre. Que ce soit le plat que l’on enfourne à la va-vite dans le micro-onde, ou les idées pré-mâchées par les faiseurs de tendances et autre opinionologues payés pour réfléchir à notre place, nous sommes bel et bien à l’ère du triomphe du moi sur le surmoi.
Évidemment la meilleure cible d’entre tous - probablement même devant la ménagère et le gay - c’est incontestablement l’enfant. Repousser au maximum l’âge du passage à l’état adulte en fabriquant des êtres hybrides appelés "adulescants" est l’une de ces stratégies. 
Bébés, jeunes enfants et ados (plus ou moins attardés) sont des consommateurs d’excellente facture dans un monde où avoir c’est être. L’individualisation se fait donc la complice du principe de plaisir, là où la conscience de l’altérité et ses contraintes est celle du principe de réalité, impérative nécessité qu’est la socialisation des individus si l’on aspire à faire perdurer un semblant de civilisation. 
Il suffit de se balader dans un rayon de supermarché pour voir tous ces petits princes et petites princesses, courir dans les rayons et revenir vers le caddie de maman (ou du papa au chomdu) les bras chargés de leurs désirs consuméristes en parfaite corrélation avec la pub qu’ils ont vu le matin même durant la pause de réclames diffusées au milieu de l’épisode devant lequel ils ont été abandonnés dés la première heure de leur réveil. Stimulus-Réponse. Ou comment le behaviorisme démontre qu’il a su troquer sa place imméritée dans le champ des sciences humaines pour une bien plus lucrative position dans la recherche appliquée au marché.

La récompense à un travail bien fait, ce n’est plus une journée passée en forêt à découvrir la nature ou au musée la culture ... non c’est un paquet géant de M&M’s accompagnée d’un cubitainer de Banga à avaler en silence devant les télétubbies. Ce n’est plus le livre qu’il faut se faire chier à déchiffrer pour en comprendre (et vivre) l’histoire mais le bouton de la console sur lequel il suffit d’appuyer.
Une génération de frustrés, incultes et soumis. Voilà donc ce que produisent à la chaîne nos pondeuses contemporaines. Je dis pondeuses car elles me font penser à ces reptiles ovipares qui, une fois les oeux éclos, laissent leurs petits livrés à eux-même dans la mare (ou l’hypermarché) à la merci du premier prédateur (ou industriel) venu.
Frustrés car comme les accros au sexe, il en faut toujours plus, quitte à basculer dans l’absurdité criminelle et à la déviance à laquelle mène le jusque boutisme libertarien.
Incultes parce que l’on ne fabrique même plus des têtes bien pleines tout en ayant renoncé à en façonner des biens faites.
Soumis par l’effacement progressif du libre-arbitre, la tendance naturelle odieusement flattée à voir la gestalt (bonne forme) plutôt qu’en considérer les caractéristiques analytiques (décomposition des parties de la forme) tout en en acceptant la sage synthèse. 

Il appartient aux familles de dresser les indispensables herses sur les routes qui mènent à l’assujettissement de leur progéniture au tout puissant et si inventif marché. Le problème est que beaucoup en sont incapables puisqu’eux-mêmes élevées dans le culte du principe de plaisir ("interdit d’interdire", "mon corps m’appartient" ...) par des parents soixante-huités. 
On en est donc à la 3ième génération, depuis le triomphe consumériste des trente glorieuses, inscrivant ainsi dans l’inconscient collectif la normalité d’un développement personnel conditionné par la possession, ce processus étant accompagné par un abrutissement des masses (chute spectaculaire du niveau général d’instruction particulièrement criant dans le monde des entreprises où de nombreux jeunes ne savent tout simplement pas écrire dans leur propre langue), là où a contrario les élites ont compris depuis longtemps comment reproduire leur domination économique par l’éducation de leurs jeunes (qui se rencontreront sur les bancs dorés des meilleures écoles privées pour finir par se reproduire entre eux, et ainsi de suite). 

D’un côté donc une populasse (prolos désormais rejoints par la classe moyenne en cours de paupérisation à tous points de vue : financière, culturelle et morale) devenue en quelques décennies à l’image de celle du film "idiocratie", et de l’autre une élite qui se reproduit entre elle. 
Ces gamins aux prénoms monosyllabiques à l’euphonie aussi pauvre que l’éducation qu’ils subissent sont à plaindre. Théo, Hugo et Enzo, pour qui sonnent le glas qu’aucun toscin ne saurait éveiller, dorment. Qu’ils fassent de beaux rêves ... car la réalité risque de beaucoup moins les faire espérer.

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