J’explique mon lapsus... sur le mot artifice, qui renvoie en fait au mot art.
Jean Pierre Vernant en parle très bien, et dit que "l’art" a radicalement changé à partir du VIII siècle en Grèce. Il s’agissait avant, pour l’art plastique, de donner corps à ce qui est invisible, surnaturel. Représenter les dieux, les morts. Faire voir ici bas, ce qu’est la présence divine. Puis à partir du V siècle, à travers toute la statuaire grecque l’art se donne comme paradigme d’imiter les apparences sensibles.
C’est l’invention de l’Art (dans son sens académique, occidental).
Bien sûr cela n’a rien avoir avec le grand Art. Ce dont nous parlons ici
Je reproduis ci-bas des propos que j’ai déjà écris sur l’Art des taoïstes...
Mais d’abord, la mention d’un très grand texte. Le rouleau sur les " Six Lignées" de Sima Tan (I siècle av. J.-C.). Je ne puis que vous en dévoiler qu’un petit extrait, de mon cru.
" La lignée taoïste [daojia ??] permet la concentration et l’unification de l’essence spirituelle [et sacrée] de l’homme, d’évoluer à l’unisson avec le sans forme, de pourvoir de façon adéquate à la myriade des êtres. Concernant ses arts [et techniques], le taoïsme suit la tendance générale des naturalistes [(école Yin-yang)], retient le meilleur des confucéens et des mohistes, et adopte les points essentiels des logiciens et des légistes. Le taoïsme se déplace avec le temps et change en réponse aux choses ; dans l’établissement des coutumes et dans ses applications pratiques, il n’est nul endroit où il ne puisse s’adapter. Les lignes générales de son enseignement sont simples et faciles à mettre en pratique ; beaucoup peut être atteint avec peu d’effort. "
L’étymologie de la racine latine
ars remonte au radical
-ar qui signifie « combiner », traduisant une composition, un assemblage. La racine
ars désigne dans ses différentes acceptions d’abord une habilité, un savoir faire, une technique. Celle-ci se décline aussi sous le concept d’artifice, à entendre comme un stratagème ; elle en vient ainsi à qualifier une façon d’être ou une manière d’agir. Elle décrit enfin une théorie, une règle, un système. L’avantage du terme chinois
shuest qu’il ne distingue pas le singulier du pluriel : on pourra alors parler d’arts au pluriel, afin de mieux rendre compte de la multiplicité des facteurs dont le taoïsme prend en compte pour décrire son système.
[...]
« Le technicien s’observe en train de faire ce qu’il fait, alors que l’artiste est dans ce qu’il fait ». Cette conception de l’art présuppose que l’expérimentateur a une réelle place dans l’expérience, à la différence du technicien ou du copiste qui ne fait que reproduire une technique, portant toute son attention à sa bonne mise en œuvre. Cette remarque pourrait être appliqué à la pensée du Zhuangzi pour décrire les deux sphères d’activités ren et tian dont parle notamment Jean-François Billeter.