La déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne porte pas obligation d’assister le "genre humain". Sur ce plan nous vivons davantage sous l’empire de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui, tout en étant inspirée par la précédente, évacue certains points fondamentaux relatifs à la souveraineté et à la nation qui venaient équilibrer les droits relatifs à l’individu - devenu "être humain" ou "personne humaine" dans le nouveau texte. Ce texte propose des définitions génériques et abstraites qui tranchent avec le style concis et rigoureux de la déclaration de 1789, dont la rédaction a été inspirée par les grands philosophes du droit : Montesquieu, Rousseau, Jefferson...
Il suffit de comparer les articles pour s’en rendre compte :
Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et
égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que
sur l’utilité commune. (1789)
Art. 1er. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité
et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir
les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. (1948)
On est passé des "hommes" aux "êtres humains". On a ajouté la valeur de la "dignité" qui n’a rien d’universelle ni d’absolue. Quant à la conscience... quel sens juridique les rédacteurs de 1948 donnent-ils à ce mot ? On a effacé la référence aux "distinctions sociales" qui surlignent et tempèrent l’égalité en droits. On a remplacé la notion d’utilité commune et réciproque, qui est chose concrète, pour "l’esprit de fraternité", qui n’engage à rien sinon aux bons sentiments humanitaires.
Art. 2. Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces
droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à
l’oppression.(1789)
Art. 2.
1.Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes
les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction
aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou
sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2.De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le
statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire
dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit
indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation
quelconque de souveraineté. (1948)
Là, on a d’un côté l’énumération précise des droits fondamentaux énoncés par la déclaration de 1789, et de l’autre un verbiage inepte qui énumère non plus des droits imprescriptibles mais des différences que le texte se propose d’effacer par un coup de balai juridique : dimension tout à fait étrangère à la déclaration de 1789.
La seconde partie contient déjà en germe la négation de la souveraineté politique et, accessoirement, la situation tragique des migrants créée par la mondialisation.
Art. 3. Le principe de toute Souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d’autorité qui n’en émane expressément. (1789)
Art. 3. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Art. 4. Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
Art. 5. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Art. 6. Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.
Art.15. Tout individu a droit à une nationalité. (1948)
Après avoir affirmé les droits imprescriptibles de l’homme, la déclaration de 1789 précise que "l’essence" de la souveraineté réside dans la Nation. En trois lignes le texte a donc établi les éléments suivants qui s’enchaînent logiquement :
- les hommes sont égaux en droits (art1)
- le but de la cité est de protéger et garantir ces droits (art2)
- la souveraineté politique réside dans la nation (art3)
Au contraire, le texte de 1948 ne définit aucun cadre politique commun et inverse complètement la logique du texte de 1789 : ce n’est plus la nation qui garantit l’application des droits individuels, mais la nation qui, dans son principe, procède essentiellement de l’individu ("tout individu a droit à une nationalité"), formidable retournement sémantique doublé d’une aberration juridique qui ouvre la porte à tous les abus que nous connaissons aujourd’hui.
La déclaration de 1948 se contente d’énumérer des droits en pagaille qui ne correspondent à rien et qui ne sont d’ailleurs appliqués nulle part (même les USA torturent quand ça les chante).
La révolution française, c’est les droits de l’homme ET la nation ; pas l’un ou l’autre, pas l’un sans l’autre. Il y a donc une différence fondamentale avec le "droit-de-l’hommisme" et la logique humanitaire abstraite qui imprègne le texte de 1948, qu’on présente à tort comme l’héritier de la déclaration de 1789 alors qu’il s’en éloigne sur des points tout à fait cruciaux.
Zemmour doit savoir tout cela.