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Commentaire de Éric Guéguen

sur Grand Entretien d'avril 2015 avec Pierre-Yves Rougeyron


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Éric Guéguen Éric Guéguen 21 mai 2015 10:53

@Gaston Lagaffe
 

Bonjour.

Relisez votre très long discours et demandez-vous si le commun des mortels est capable de comprendre un traitre mot de ce que vous racontez. Une fois qu’on lui a servi ça, il peut bien avaler Aristote et son "une hirondelle ne fait pas le printemps".

 

J’aimerais comprendre une chose. Je pense que vous n’accordez, comme nous tous ici, plus aucun crédit au personnel politique. Nous sommes toutes et tous désabusés. Mais en outre, et en gros, vous nous dites que produire des idées, c’est être un intellectuel de salon. Puis-je dans ce cas vous demander où vous placez vos espoirs ? En avez-vous seulement ? Ou est-ce qu’à vos yeux tout n’est que blagues potaches et système-D ?

 

Mais j’aimerais surtout faire une petite mise au point, si vous me le permettez. Au sujet précisément des "intellectuels de salon", assis, comme moi, sur "le nuage de points de vue plutôt limités". Vous faites état de vos faits d’armes et dites que vous avez été plongé dans une pratique sans théorie. C’est aussi mon cas. Je n’ai été que chef de section durant dix mois sous les drapeaux et ce n’est pas sur ce terrain que je me frotterai au légionnaire que vous fûtes (bien que j’aie moi aussi, à mon petit niveau, eu à éprouver les joies des besoins dans le treillis, planqué des heures dans un trou boueux). Professionnellement j’entends...

Je n’ai pas toujours paru être un "intellectuel de salon assis sur le nuage de points de vue plutôt limités" (je reprends ça car ça m’a fait beaucoup rire). Je suis au départ technicien dans l’automobile. Pratique pure. Aux chiottes la philo (4 au BAC d’ailleurs). Et puis un jour j’en ai eu marre, marre d’entendre tous ces cons à la télé, marre de pinailler mesquinement sur la taille du tenon à rentrer dans la mortaise, marre également d’entendre des collègues dégueuler sur des gouvernants pour lesquels ils avaient voté la veille, et rester là le doigt dans le cul à maugréer autour d’une clope. Marre de la "pratique" sèche, dans mon coin, alors que le monde est en train de changer, sans moi, et à mon désavantage. Alors j’ai commencé à lire. De l’histoire d’abord, c’est plus sympa que la philo. Et de fil en aiguille, c’est devenu une maladie. Et il m’a fallu me coltiner Kant, Hegel, Platon, relire des passages dix fois parce que mon cerveau était limité, passer un temps olympien dans le dico, etc.

Ensuite je suis passé à l’écriture, et c’est alors qu’on ma fait comprendre, dans le microcosme germanopratin, que pour avoir droit d’émettre publiquement des idées, il fallait montrer patte blanche. Qu’un grouillot de l’automobile n’avait aucune chance d’être pris au sérieux, et surtout pas... par les autres grouillots de son espèce (ce dont vous témoignez, Gaston), appelés à faire acquisition de sa prose. En clair, on m’a dit, comme vous, qu’une théorie assortie d’une mauvaise pratique était non recevable.

 

Alors, qu’auriez-vous fait à ma place ? Je vais vous dire ce que j’ai fait. J’ai repris les études à zéro, à distance, pour monter aussi haut que possible dans des disciplines comme l’histoire et la philo. Et en parallèle, j’ai écrit mon bouquin. Et tout ça dans les chiottes, sur mon lieu de travail (parce qu’il faut bien manger) pendant que d’autres discutaient de la "vie réelle", de la "vie pratique", celle que vous ne snobez pas, autour de la machine à café. Mais manifestement, tout ce qui concerne l’intellect doit être boudé par les praticiens, les purs et durs. On ne mélange pas les torchons et les serviettes dans ce pays.

 

Donc, voyez-vous, je peux tout à fait entendre que je suis "assis sur un nuage de points de vue plutôt limités" car je me contente de faire ce que je peux avec ce que j’ai et je ne pousse personne à me lire ou à m’écouter. En revanche, l’"intellectuel de salon", ça ça ne passe pas. Même pas de la part d’un légionnaire qui parvient à écrire vingt lignes sans respirer.

Peut-être êtes-vous convaincu que la "compréhension du réel" est pompeuse, qu’elle ne mène à rien, à aucune "pratique". Une chose est certaine, ce n’est pas en restant dans la "pratique" automobile que j’aurais pu changer quoi que ce soit à l’ordre des choses.

Comprenez bien ma façon de faire avant de la moquer : je parle de la démocratie, mais je la vis également.

À la revoyure.

EG


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