Hommage
à David Pujadas et Léa Salamé, journalistes intransigeants
Le 6 septembre
dernier, « Arrêt sur images » publiait une enquête consacrée au « bras de
fer entre [Michel] Field et Envoyé spécial » à propos de la diffusion d’un reportage
consacré à « l’affaire Bygmalion ». Michel Field aurait tenté à
plusieurs reprises de décaler la diffusion de l’enquête d’ « Envoyé
spécial » afin qu’elle n’ait pas lieu durant la « primaire de la
droite et du centre ». La question d’éventuelles pressions de Nicolas
Sarkozy et de son entourage s’est évidemment posée.
Heureusement,
« L’Émission politique » du 15 septembre a été l’occasion d’y voir
plus clair. David Pujadas, Léa Salamé et leurs équipes attendaient en effet
Nicolas Sarkozy au tournant, et s’étaient donné les moyens de confronter
l’ex-chef de l’État aux accusations de tentative de censure d’un reportage peu
à son avantage. Rien que de plus normal : les deux journalistes
travaillent pour France 2, et l’idée que Nicolas Sarkozy ait pu faire pression
sur la chaîne pour saborder le travail de certains de leurs confrères et
consœurs leur était insupportable.
C’est David Pujadas qui a ouvert le bal, dès le début de
l’émission :
- « Monsieur Sarkozy bonsoir. Avant
d’entrer dans le vif du sujet et de vous interroger sur votre analyse de la
situation française et sur vos propositions, nous nous devons, par acquit de
conscience, de vous poser une question qui fâche. Depuis plusieurs jours, une
rumeur tenace circule, selon laquelle votre entourage aurait tenté de faire
reporter, voire annuler, la diffusion d’une enquête concernant l’affaire
Bygmalion. Qu’avez-vous à répondre à ces accusations ? »
Face aux tergiversations de Nicolas Sarkozy, Léa Salamé,
connue pour sa pugnacité, n’a pas hésité à relancer le candidat à la
primaire :« Monsieur
Sarkozy. Comme nous sommes des journalistes sérieux, nous avons vérifié que les
témoins cités par différents médias n’étaient pas imaginaires. Et ils ne le
sont pas. Rien ne prouve qu’ils disent vrai, mais le moins que l’on puisse dire
est qu’on ne voit pas pourquoi ils inventeraient une telle histoire. Pour le
dire autrement : les rumeurs ont l’air d’être fondées. N’est-il pas
gênant, lorsque l’on aspire aux plus hautes fonctions de l’État, de mettre
ainsi à mal l’indépendance d’un média, a
fortiori de service
public ? »
Face aux dénégations de Nicolas Sarkozy, « L’Émission
politique » a alors abattu sa meilleure carte : Élise Lucet a
soudainement fait son entrée sur le plateau, accompagnée de l’un des témoins Le
piège s’est alors refermé sur l’ex-Président de la république, et l’honneur du
journalisme et du service public a été sauvé.Ou pas.
Nous avons malheureusement
dû inventer ces séquences, puisqu’elles n’ont pas eu lieu.
Alors
que certains commentateurs soulignent aujourd’hui que Nicolas Sarkozy aurait
été « malmené », voire même « harcelé » au cours de
« L’Émission politique », ce qui mérite d’être discuté, une chose est
certaine : David Pujadas et Léa
Salamé ont soigneusement évité d’interroger l’ex-chef de l’État à propos d’une
« affaire » qui ne devrait pourtant laisser indifférent aucun
journaliste en général, et aucun journaliste de France 2 en particulier.
Hommage donc à
ces deux intervieweurs intransigeants qui, par leur silence assourdissant sur
cette « affaire » de censure, nous rappellent à quel point la lutte
pour une véritable indépendance des journalistes est plus que jamais d’actualité.