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Commentaire de Gollum

sur L'abbé Pagès condamne un protestantisme qu'il a inventé


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Gollum Gollum 4 décembre 2017 10:39

Puisqu’il y a désaccord quant aux interprétations des Écritures voici pour vous tous (j’ai mis en gras ce qui concerne beaucoup ici-même) :


On ne cesse de répéter que l’Écriture sainte est la parole de Dieu, et qu’elle enseigne la véritable béatitude et la voie du salut ; mais au fond on est très-éloigné de penser sérieusement de la sorte, et il n’est rien à quoi songe moins le vulgaire qu’à conformer sa vie aux enseignements de la sainte Écriture. Ce qu’on nous présente comme la parole de Dieu, ce sont le plus souvent d’absurdes chimères, et sous le faux prétexte d’un zèle religieux on ne veut qu’imposer à autrui ses propres sentiments. Oui, je le répète, ç’a été de tout temps le grand objet des théologiens d’extorquer aux livres saints la confirmation de leurs rêveries et de leurs systèmes, afin de les couvrir de l’autorité de Dieu. Pénétrer la pensée de l’Écriture, c’est-à-dire du Saint-Esprit, il n’y a rien là qui excite en eux le moindre scrupule ou qui puisse arrêter leur témérité. S’ils ont une crainte, ce n’est point d’imputer quelque erreur au Saint-Esprit et de s’écarter de la voie du salut ; c’est uniquement d’être convaincus d’erreur par leurs rivaux, et de voir ainsi l’autorité de leur parole affaiblie et méprisée.

Certes, si les hommes reconnaissaient au fond de leur âme la sainteté de l’Écriture, on verrait un grand changement dans leur manière de vivre ; la discorde, la haine ne régneraient pas dans leur cœur, et nous n’aurions pas à déplorer cet aveugle et téméraire désir qui les pousse à interpréter l’Écriture et à innover sans cesse en matière de religion. Ils ne reconnaîtraient une doctrine comme consacrée par les livres saints qu’après l’y avoir lue en termes exprès, et les écrivains sacrilèges qui n’ont pas craint d’altérer si souvent les paroles de l’Écriture, auraient reculé devant une entreprise si criminelle. Mais l’ambition et l’audace ont été portées à un tel excès que la religion ne consiste plus maintenant à obéir aux commandements du Saint-Esprit, mais à soutenir les opinions chimériques des hommes. Ce n’est plus par la charité que l’on se montre animé d’une piété véritable, c’est en répandant la discorde et la haine, couvertes du voile hypocrite d’un zèle ardent pour les choses de Dieu. À tous ces désordres s’est venue joindre la superstition, qui apprend aux hommes à mépriser la raison et la nature, à n’admirer, à ne respecter que ce qui est contraire à l’une et à l’autre. Aussi ne faut-il point s’étonner de voir le vulgaire interpréter l’Écriture dans le sens le plus éloigné de la nature et de la raison, afin de la rendre d’autant plus merveilleuse et vénérable. On s’imagine que les saintes Écritures cachent de profonds mystères ; et, sur ce fondement, on néglige ses plus utiles renseignements pour se fatiguer à la poursuite d’absurdes chimères. Ce qu’enfante l’imagination en délire dans cette recherche insensée, on ne manque pas de l’attribuer au Saint-Esprit, et partant de s’y attacher avec une énergie et un emportement incroyables. La nature humaine est ainsi faite : ce qu’elle conçoit par le pur entendement, elle ne l’embrasse que d’une conviction sage et raisonnable ; mais les opinions qui naissent en elle du mouvement des passions lui inspirent une conviction ardente et passionnée comme la source d’où elles émanent. 

Spinoza : Traité théologico-politique chap.7 : DE L’INTERPRÉTATION DE L’ÉCRITURE.

La suite ici : http://www.spinozaetnous.org/ttp/7.htm

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