@Qirotatif
-Tu sais, si on prend la définition
stricte de l’ethnie, elle est très semblable à celle de la nation . A un tel point que dans certaines
études anthropologiques, la distinction est parfois difficile à faire , la différence fondamentale étant que la nation fait référence à une échelle humaine supérieure.
Tu me dis
que des provinces organisées existent depuis des siècles et les gens ne se
massacrent pas au sein d’un même pays pour des raisons ethniques en Europe (à
quelques exceptions près) mais ça ne représente pas grand-chose par rapport à l’histoire
longue (de cette perspective longue, les massacres de Vendée, c’était hier). Comme
écrit dans le lien que je t’ai mit plus haut, les nations se sont construites
tardivement en Europe et cette construction coïncide avec l’émergence d’un
phénomène historique qu’on appelle la
modernité. On peut dire en simplifiant que les Européens ont conçus des
systèmes organisateurs plus grands et plus complexes transcendant les ethnies. Mais
qu’en est-il des conflits ? Et bien ils sont simplement passés à l’échelle des
nations. Est-ce une meilleure chose ? Parce qu’il y’a en filigrane dans
ton propos l’idée que les africains ont
des os sur le nez, sont violents et passent leur temps à se massacrer pour des
raisons ethniques. Quand on observe les conflits qui ont traversés l’Europe depuis la cristallisation du fait national ,
des conflits d’une violence jamais connue encore dans l’histoire de l’humanité,
on peut se poser la question. Sur le plan de la violence , les Européens n’ont de leçons à
donner à personne.
Et comme je
le dis plus haut, non la réalité ethnique ( qui existe ) ne dépasse pas tout,
il y’a depuis avant les indépendances l’émergence d’un nationalisme qui transcende
dans certains cas la réalité ethnique, les choses sont bien plus complexes que
tu ne le décrit. Et je ne dis pas que cette tendance est une bonne chose. Est-ce
que c’est un bien de passer à un mode d’organisation éthique à un mode d’organisation
nationale ? De passer de groupes de petites échelles à des groupes de plus
grandes échelles ? C’est une vaste question ...
-Sinon, la
suite de ta réponse est parfaitement intégrée à l’idéologie du progrès qui s’articule
autour de cette vision occidentaliste ( et non occidentale car l’occident a
aussi produit des pensées qui s’ opposent virulemment à ce paradigme ) qui
réduit l’existence humaine à
la modernité technique. Et bien sur,
dans ce paradigme, les sociétés sont hiérarchisées en fonction de la
capacité à activer les leviers
technoscientifiques. Ainsi, les communautés confinés à l’abondance naturelle et
ignorant l’industrie ne peuvent être que de mauvais exemple : elles ont « objectivement »
échoués et la cause de cet échec est « anthropologique ». Comment
peut il en être autrement puisque la finalité de la vie humaine dans ce
paradigme, c’est de bâtir de bâtir des grands systèmes fédérateur humain de
plus en plus complexes ? Ce qu’il y’a,
c’est qu’aujourd’hui à la différence des deux trois siècles passés, c’est qu’on
peut faire le bilan de cette modernité et on constate que le coût est faramineux,
nous parvenons à détruire en quelques décennies
ce que la nature a mit des millions d’années à produire.
Des analyses de plus en plus savantes confirment que ce
modèle constitue une impasse dangereuse. Certains peuples ont plus de mal à
entrer dans la modernité que d’autres mais est ce un mal ? N’est pas au
contraire une opportunité dans ce XXIème siècle ? Une opportunité qui ne peut être
exploité que par le renoncement à vouloir entrer coûte que coûte dans cette fameuse
modernité et à chercher des solutions alternatives.
-Contrairement
à ce que tu penses, beaucoup d’africains ont des solutions à leurs problèmes,
ce n’est pas parce que tu vois Pierre Rabhi faire pousser n’importe quoi au
Mali qu’il
n’existe pas d’africains qui savent faire encore mieux. Et dans beaucoup d’autres
domaines. Ce que tu appelles « tordre les réalités pour les faire
cadrer avec nos aspirations » n’est
rien d’autre que l’expression de ton
complexe de supériorité , tu te plains de dévalorisation de soi , ce qui
me semble légitime mais je vois surtout une dévalorisation de l’autre dans ton
propos , tu passes à l’excès inverse. Tu as le droit , je dis juste que c’est un point
de vue très contestable et pas du tout une réalité objective et indiscutable.
-Pour ce qui
est de l’agriculture, à partir du moment où elle est tournée vers la
consommation locale, l’augmentation démographique ne pose aucun problème (j’exclus
le sahel), Jean Ziegler et un certain nombre d’études l’ont montré. Le problème
n’est pas là, il réside plutôt dans l’intégration à l’économie monde et là effectivement, ça
nécessite beaucoup de choses puisqu’il s’agit de produire pour exporter dans
une économie fondée sur la croissance quantitative infinie et là il faut un tas
d’infrastructures, d’investissements et de compétences techniques productivistes. Mais encore une fois, est ce que cela a un
sens ? Je réponds que le fonctionnement de l’économie monde n’a aucun
sens, il s’agit de faire du profit pour le profit, c’est une logique autotélique,
d’où la crise du sens que nous vivons.
-Si des
africains ont des solutions, pourquoi ne s’appliquent-elles pas ? On en
revient au rapport de force qui consiste à se libérer des mafias locales et des
impérialismes qui les mirent en place. Et c’est là que je parle de la lutte des
palestiniens car ce qu’ils font est le seul moyen de s’en libérer. C’est de cela
que je parle de leur lutte pour se libérer,
de la non acceptation de leur servitude face à des puissances étrangères, pas
de leur capacité depuis des siècles à constituer de grands Etats avec de grands
rois pour que les touristes occidentaux puissent venir admirer. Et de ce point
de vue là, c’est un très bon exemple. On ne peut pas d’un coté se plaindre du
fait qu’un peuple est prêt à sacrifier ses enfants pour se libérer et de l’autre
dire que chacun n’a qu’à se démerder pour se libérer puisque l’un ne va pas
sans l’autre lorsqu’on a affaire à des puissances beaucoup plus fortes. De ce
point de vue là , tu es incohérents …