Il n’est pas toujours bon d’avoir raison trop tôt :
« Toutes ces expériences aboutissent aux mêmes résultats : la
présence de bactéries dans un milieu où l’on cultive des moisissures est
pour ces dernières une cause de destruction rapide, quand bien même ces
moisissures auraient eu le temps de s’accoutumer au milieu nutritif
avant l’apport des microbes. (...). En résumé, la lutte pour la vie
entre les moisissures et les bactéries semble tourner au profit de ces
dernières. (...). Dans toutes les expériences qui précèdent, ce que nous
constatons, c’est le résultat brutal de la lutte ; les moisissures
disparaissent ; mais rien ne dit qu’avant de périr elles n’aient porté
une atteinte quelconque à la virulence des microbes et peut-être à leurs
propriétés pathogènes. Dans le but de voir si en effet il en résultait
une diminution dans la virulence des microbes, nous avons inoculé à des
cobayes des cultures de microbes pathogènes, simultanément avec des
cultures de moisissures. (...) D’où peut venir cette concurrence vitale
entre les champignons et les bactéries ? Est-ce que les produits toxiques
fabriqués par les microbes sont un poison pour les moisissures ou bien
les conditions d’existence pour ces deux espèces végétales, si
semblables sur bien des points, diffèrent-elles en d’autres points que,
selon les cas, telle ou telle espèce l’emportera ? (...) L’antagonisme
existe d’une façon très nette entre les moisissures et les microbes ; la
victoire appartient le plus souvent aux bactéries, non parce que ces
dernières sont favorisées par leurs toxines, mais parce qu’elles ont une
activité vitale, végétative et reproductrice, beaucoup plus grande que
les moisissures et qu’elles s’approprient très rapidement les substances
nutritives au détriment des moisissures. (...) Enfin, de même que dans
ces derniers temps on a publié des faits très intéressants d’association
microbienne, il y aurait peut-être lieu de rechercher s’il n’existe pas
de pareilles associations entre les moisissures et de celles-ci avec
les bactéries pouvant intéresser soit le médecin, soit l’hygiéniste.
(...) Il semble, d’autre part, résulter de quelques-unes de nos
expériences, malheureusement trop peu nombreuses et qu’il importera de
répéter à nouveau et de contrôler, que certaines moisissures (Penicillum glaucum), inoculées à un animal en même temps que des cultures très virulentes de quelques microbes pathogènes (B.coli et B.thyphosus d’Eberth),
sont capables d’atténuer dans de très notables proportions la virulence
de ces cultures bactériennes (...) On peut donc espérer qu’en
poursuivant l’étude des faits de concurrence biologique entre
moisissures et microbes, étude seulement ébauchée par nous et à laquelle
nous n’avons d’autre prétention que d’avoir apporté ici une très
modeste contribution, on arrivera, peut-être, à la découverte d’autres
faits directement utiles et applicables à l’hygiène prophylactique et à
la thérapeutique. »