Quand
le Soleil de la Connaissance spirituelle se lève dans le ciel du cœur,
dit le Védânta, il chasse les ténèbres, il pénètre tout, enveloppe tout,
et illumine tout. Celui qui a fait le pèlerinage de son propre « Soi », un
pèlerinage dans lequel il n’y a rien concernant la situation, l’espace ou le
temps, qui est partout, dans lequel ni le chaud ni le froid ne sont éprouvés,
qui procure une félicité permanente et une délivrance définitive de tout
trouble ; celui-là est sans action, il connaît toutes choses, et il obtient
l’Éternelle Béatitude.
Felix
qui potuit rerum cognoscere causas !
: Heureux celui qui peut connaître les causes premières des choses !
Aussi,
la connaissance ne peut être acquise que par une compréhension personnelle que
l’homme doit trouver seulement en lui-même : « Connais-toi toi-même
», disait l’expression inscrite sur le fronton du temple de Delphes.
Aucun
enseignement « conventionnel » n’est capable de donner la connaissance réelle.
Sans cette compréhension, dit René Guénon, aucun enseignement ne peut aboutir à
un résultat efficace, et l’enseignement qui n’éveille pas chez celui qui le
reçoit une résonance personnelle ne peut procurer aucune sorte de connaissance
; toute vraie connaissance est un ressouvenir. C’est pourquoi Platon dit que « tout
ce que l’homme apprend est déjà en lui » et qu’Ibn Sina (Avicenne) exprime
ainsi : « Tu te crois un néant et c’est en toi que réside le monde. ».
Le
Livre de soi-même est le seul qui n’est fermé pour personne.
Toutes les expériences, toutes les choses extérieures qui l’entourent ne sont
pour l’homme qu’une occasion pour l’aider à prendre conscience de ce qu’il a en
lui-même. Cet éveil est ce que Platon appelle anamnésis, ce qui signifie
« réminiscence ». Si cela est vrai pour toute connaissance, ce l’est d’autant
plus pour une connaissance plus élevée et plus profonde, et quand l’homme
avance vers cette connaissance, tous les moyens extérieurs et sensibles
deviennent de plus en plus insuffisants jusqu’à perdre finalement toute
utilité. S’ils peuvent aider à approcher la sagesse à quelque degré, ils sont
impuissants à l’acquérir réellement, quoiqu’une aide extérieure puisse être
utile au début, pour préparer l’homme à trouver en lui et par lui-même ce qu’il
ne peut trouver ailleurs et particulièrement ce qui est au-dessus du niveau de
la connaissance rationnelle. Il faut, pour y atteindre, réaliser certains états
qui vont toujours plus profondément dans l’être, vers le centre qui est
symbolisé par le cœur et où la conscience de l’homme doit être transférée pour
le rendre capable d’arriver à la connaissance réelle. « Ainsi, dit Ibn
’Arabi, il n’y a de Connaissance de la Vérité Suprême
provenant de la Vérité même que par le cœur ; ensuite cette connaissance est
reçue par l’Intellect, de la part du Cœur. »
Ces
états qui étaient réalisés dans les mystères antiques étaient des degrés dans
la voie de cette transposition du mental au cœur.
Ceux
qui se font initier, assure Aristote, apprennent moins quelque chose,
qu’ils ne font l’expérience de certaines émotions et ne sont plongés dans un
état d’esprit particulier ; « Ne pas apprendre mais éprouver », dit-il à
propos des Mystères d’Eleusis.
Il
faut se souvenir que le pèlerinage est une figure de l’initiation,
de sorte que le pèlerinage en Terre Sainte est, au sens ésotérique, la
même chose que la Recherche de la Parole perdue ou la Queste du Saint
Graal ; c’est également Rassembler ce qui est épars ;
il s’agit de retrouver et de se réapproprier ce « sens de l’éternité »,
cet État que toutes les traditions nomment « l’état primordial »,
et dont la restauration constitue le premier stade de la véritable initiation.
Julius
Evola définit l’initiation comme une réalisation de la Connaissance au moyen
d’une sorte de dessillement, tout comme si, à la suite d’une opération
chirurgicale, l’œil aveugle se rouvrait et se mettait à voir.
«
Tu souriras alors, en connaissant si simples, les notions qui te
paraissaient si abstruses lorsque tu n’étais qu’un profane, et tu avoueras
qu’il n’était pas d’explication possible, avant l’investigation personnelle,
destinée à préparer ton esprit à recevoir les semences du vrai. Et c’est dans
ce sens qu’il est dit que nul ne peut être initié que par soi-même. » (E.J.
Grillot de Givry, Le Grand Œuvre)
Précisons
enfin, que le mot initiation dérive d’initium et que ce
terme signifie proprement « entrée » et « commencement » : c’est l’entrée dans
une Voie qu’il reste à parcourir par la suite, Voie destinée à réaliser son
propre perfectionnement physique, intellectuel, moral et psychique ; c’est
aussi le commencement d’une nouvelle existence au cours de laquelle
seront développées des possibilités d’un autre ordre que celles auxquelles est
étroitement bornée la vie de l’homme ordinaire.