@Norman Bates
-Il
y’a quelque chose qui est fondamental dans l’approche de la violence et la non-violence :
tenir compte du rapport de force. Un petit groupe minoritaire qui userait de la
violence n’aurait aucune chance face à l’appareil d’Etat. Il faut être réaliste :
les services de police spécialisés dans le maintien de l’ordre ont une capacité
d’usage de la violence très largement supérieure à n’importe quel groupuscule
en France, ce n’est même pas comparable, personne ne joue dans la même cour qu’eux
à part l’armée. On peut refuser ce constat et aller au casse-pipe juste pour se suicider avec panache ( et j’ai déjà dit que ce n’est pas ma came, autant faire comme autant
faire comme Yukio Mishima et s’éventrer devant le parlement dans ce
cas ) ou peut en tenir
compte et s’adapter.
-S’adapter à cela, c’est prendre conscience que dans une
lutte il y’a plusieurs phases et que l’enjeu principal de la première consiste à grossir
ses rangs. Et pour grossir ses rangs, il faut gagner la sympathie et l’adhésion
de la majorité de la population à un projet et il faut réunir la plupart des
mouvements de contestation autour d’une idée forte. Et dans cette première
phase, la violence est un obstacle car elle est un repoussoir pour la grande
majorité de la population. Un groupuscule ultra minoritaire qui se montrerait
violent serait rapidement éliminé sous les applaudissements de la population
qui l’assimilerait à des terroristes. C’est la meilleure façon de se faire infliger
un échec et mat. Moralité : il faut se montrer résolument pacifiste tant qu’on se sait
minoritaire et faible. Ne surtout pas donner de prétexte pour se faire éliminer.
-Cependant, si on arrive à fédérer les mouvements de contestation
derrière un projet et à gagner la sympathie de la majorité de la population,
alors on passe à une autre phase qui consiste à imposer ce projet aux classes
dirigeantes. Et là, la violence devient une option. De deux choses l’une :
soit elles comprennent que cette pression populaire est dangereuse et décident
intelligemment de lâcher un peu pour conserver beaucoup, soit elles entrent
dans une logique d’opposition frontale. Dans le second cas, face à un fleuve
de gens dans les rues, l’enjeu de la bataille devient de faire basculer les
forces de l’ordre. Ce sont elles qui sont déterminantes comme on peut le
remarquer à d’autres temps et en d’autres lieux. Et on dénombre de nombreux cas
où elles décident majoritairement de ne pas agir contre les insurgés, parce qu’elles
reconnaissent leur lutte comme légitime, c’est ça qui aboutit généralement à des changements
de régime.