@Joe Chip
1. Je n’ai
pas prétendu que toutes les personnes qui dénoncent la situation de la liberté
d’expression appartiennent à la droite conservatrice.
2. Je dis
ceci : ce sont surtout de ces mouvances de
droite que vient le danger pour les libertés académiques aux Etats unis, des
organisations de militants qui utilisent une stratégie bien spécifique qui
consiste à utiliser la liberté d’expression pour censurer. Bien évidemment ça
ne veut pas dire que tout ceux qui parlent de liberté d’expression s’inscrivent
là-dedans ou devraient être amalgamés à ça.
Au-delà de
Sachs, il y’a Simon Ridley qui a observé le cas spécifique des conflits à
Berkeley autour de la liberté d’expression pour montrer comment le maccarthysme
se réactive dans la politique US. Ça ne veut pas dire non plus la gauche est
innocente mais il précise que même lorsque la gauche mène des campagnes dédiée
à la mise au pas de la liberté d’expression et académique, elle est beaucoup
moins efficace que la droite. Là où manifestations et campagnes sur les réseaux
sociaux organisées depuis la gauche concernent généralement des collectifs
locaux d’étudiants en réaction à des événements sur lesquels ils n’ont pas de
contrôle, la droite dispose de véritables bulldozers institutionnels, financés
à millions. Puisqu’on en est aux anecdotes en voici une qui est très éclairante
sur la façon dont se déroulent les choses selon
ses observations :
Lora D.
Burnett, une historienne des idées, a publié un tweet sur le débat
vice-présidentiel ayant opposé Kamala Harris à Mike Pence en octobre 2020 où
elle disait en gros que comme le second passait son temps à interrompre la
première, le modérateur devrait l’interrompre jusqu’à ce qu’il la ferme. Tout
de suite après, elle a fait l’objet d’une campagne d’astroturfing d’une
organisation « Campus Reform » qui paie des petites sommes d’argent
opaque à des informateurs étudiants contre des infos sur leurs profs de
gauche. Et il s’avère que ce type d’organisation de taille similaire ou
supérieure à Campus Reform sont nombreuses à l’échelle des États-Unis, et elles
sont généralement rattachées à des organismes plus larges s’occupant de mener
des campagnes de lobbying auprès des institutions. Viennent s’y ajouter tout un
ensemble de médias qui ont bien compris l’intérêt social de la dénonciation de
la « gauche folle des campus » comme Fox News et qui grâce à son
martèlement constant va produire une machine à scandale permanent.
C’est ce qui
va se passer avec Lora D. Burnett. Les administrateurs de la fac vont commencer
à recevoir un déluge de messages, leur informant que leur employée avait dit quelque
chose de fou et leur imposant d’agir. Pendant ce temps des trolls vont commencer
à envoyer des emails et passer des appels de harcèlement à la cible et à son
institution. Tout cela a pour effet de désorienter la cible, de la faire
paniquer et de lui donner l’impression qu’il faut immédiatement régler la
situation. Pour les universités, « régler la situation », c’est
souvent se débarrasser de la personne par qui le scandale est arrivé ou, du
moins, la sanctionner de façon assez publique pour calmer la foule.
Outre ces
campagnes de scandalisation, les organisations en question ont également, entre
autres, menées des campagnes de lobbying visant à interdire d’enseigner
certains sujets, voir à abolir la notion même d’université publique, publié de nombreuses listes
d’enseignants identifiés comme « indésirables » idéologiquement,
demandées (et obtenu) qu’un terme soit mis à la carrière de telle ou telle autre
cible expiatoire et de mettre des universités entières et leurs programmes sous
tutelle des parlements locaux et nationaux. Et tout ça bien sûr au nom de la
liberté d’expression. Et s’il faut parler d’autocensure, il faut savoir que ces
campagnes ont débouché sur la proposition d’un amendement du député de l’État du
Missouri Rick Brattin sur l’abolition de la titularisation dans toutes les
universités publiques du Missouri. Une telle mesure conduirait évidemment les
universitaires à devoir s’auto-censurer, leurs propos pouvant plus aisément
conduire à un renvoi s’ils déplaisaient à ces organisations qui prétendent
défendre la liberté d’expression en harcelant des enseignants jugés trop à
gauche en affichant leurs photos à l’entrée du campus et en publiant sur
Internet des listes noires. On a donc tout une nébuleuse d’organisations qui
ont des relais médiatico politiques bien placés.
3. Et pour
ce qui est du climat "anti-musulman" en France, bah … euh … il ne me
semble pas que ce soit une position rationnellement tenable. Il existe des
mouvances anti-islam qui montent en influence, qui ont une propagande de plus
en plus agressive et qui inquiète beaucoup de musulmans car ils sont de plus en
plus visibles médiatiquement mais ces mouvances restent minoritaires, je vois
mal comment on peut étendre ça à tout le pays.