@microf
@Joe Callagan
2è partie.
Le privilège d’un peuple pauvre est que le risque que courent ses
entreprises est mince, et les dangers qu’il encourt sont moindres. Le
pauvre ne peut prétendre qu’à s’enrichir et rien n’est plus naturel que
de vouloir effacer toutes les inégalités et toutes les injustices. Ce
besoin d’égalité et de justice nous le portons d’autant plus
profondément en nous, que nous avons été plus durement soumis à
l’injustice et à l’inégalité. L’analyse logique et une connaissance de
plus en plus grande de nos valeurs particulières, de nos moyens
potentiels, de nos possibilités réelles nous laissent cependant exempts
de tout complexe et de toute crainte : nous sommes uniquement préoccupés
de notre avenir et soucieux du bonheur de notre peuple. Ce bonheur peut
revêtir des aspects multiples et des caractéristiques diverses selon la
nature de nos aspirations, de nos désirs, selon notre état propre ; il
peut être aussi bien une chose unique qu’un faisceau de mille choses,
toutes également indispensables à sa réalisaton. Nous avons, quant à
nous, un premier et indispensable besoin, celui de notre Dignité. Or, il
n’y a pas de Dignité sans Liberté, car tout assujettissement, toute
contrainte imposée et subie dégrade celui sur qui elle pèse, lui retire
une part de sa qualité d’Homme et en fait arbitrairement un être
inférieur. Nous préférons la Pauvreté dans la Liberté la Richesse dans
l’esclavage. Ce qui est vrai pour l’Homme l’est autant pour les sociétés
et les peuples. C’est ce souci de Dignité, cet impérieux besoin de
Liberté qui devait susciter aux heures sombres de la France les actes
les plus nobles, les sacrifices les plus grands et les plus beaux traits
de courage. La Liberté, c’est le privilège de tout homme, le droit
naturel de toute société ou de tout peuple, la base sur laquelle les
Etats Africains s’associeront à la République Francaise et à d’autres
Etats pour le développement de leurs valeurs et de leurs richesses
communes.
Monsieur le Président, ous me permettrez de rappeler un passage du
discours que j’ai prononcé à l’occasion de la visite récente d’un
Représentant du Gouvernement Français, M. Gérard Jaquet, ancien Ministre
de la France d’Outre-Mer.
Notre option fondarnentale qui, à elle seule, conditionne les différents
choix que nous allons effectuer, réside dans la décolonisation
intégrale de l’Afrique : ses hommes, son économie, son organisation
administrative, et, en vue de bâtir une Communauté Franco-Africaine
solide et dont la pérennité sera d’autant plus garantie qu’elle n’aura
plus dans son sein des phénomènes d’injustice, de discrimination ou
toute cause de dépersonnalisation et d’indignité.
En effet, le monde évolue rapidement et les impératifs de la vie moderne
posent avec brutalité le problème du choix entre la stagnation et le
progrès, entre la division des peuples et leur union fraternelle, entre
l’esclavage et la liberté, enfin entre la guerre et la paix.
Pour l’Afrique Noire d’influence française, ces problèmes doivent être
abordés avant tout avec un esprit réaliste, compréhensif. Notre coeur,
notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents, nous font
choisir, sans hésitation, l’interdépendance et la liberté dans cette
union, plutôt que de nous définir sans la France et contre la France. Et
c’est en raison de cette orientation politique que nos exigences
doivent être toutes connues pour que leur discussion soit facilitée au
maximum.
D’aucuns en parlant des rapports franco-africains situent leur
raisonnement dans le domaine économique et social exclusivement, et
concluent fatalement, compte tenu du grand retard des pays
sous-développés d’Afrique, par l’apologie de l’action coloniale de la
France. Ces hommes oublient qu’au-dessus de l’économique et du social il
y a une valeur autrement plus importante, qui oriente et détermine le
plus souvent l’action des homrnes d’Afrique ; cette valeur supérieure
réside essentiellement dans la Conscience qu’apportent les hommes
d’Afrique à la lutte politique, tendant à sauvegarder leur Dignité et
leur Originalité et libérer totalement leur Personnalité. Qui ne sait
aujourd’hui que les drames douloureux enregistrés dans l’histoire
coloniale française en Indochine et en Afrique du Nord sont interprétés
aussi différemment selon que l’on donne la suprématie à l’économie, ou
que le Droit à l’indépendance, le respect de la Dignité des peuples sont
considérés comme les bases les plus solides de toute association de
peuples différents !