Après l’académie de Versailles, c’est
celle d’Amiens qui se lance dans le recrutement "express"
d’enseignants par le biais de job dating. Une session est organisée
à Beauvais le 20 juin. De quoi inquiéter les organisations
syndicales.
L’idée du "job dating" pour
recruter des enseignants a fait couler beaucoup d’encre dans la
presse et sur les réseaux sociaux. La polémique n’est pas prête de
s’arrêter : après les académies de Versailles et de Créteil,
celle d’Amiens met en place le même processus avec une journée
dédiée à Beauvais, le lundi 20 juin.
Sur Twitter, les réactions ne se sont
pas fait attendre. « Délabrement », « destruction
du service public de l’éducation », « profs au rabais »
: les accusations pleuvent.
Le rectorat explique l’idée de ce
job dating par le besoin de pallier le manque de professeurs dans
l’académie, notamment dans certaines matières comme l’allemand et
les mathématiques, et dans certaines zones géographiques.
L’objectif est de recruter des
enseignants contractuels, un statut un peu particulier qui pourrait
s’apparenter à un CDD dans le secteur privé. Les
contractuels remplacent les professeurs absents pour quelques
semaines, quelques mois, ou une année scolaire entière, et leur
contrat peut être renouvelé si les besoins persistent.
D’après le recteur, les contractuels
représenteront à la rentrée prochaine 4 % des effectifs du second
degré dans l’académie d’Amiens. "Quelques dizaines de postes",
assure-t-il. Mais faut-il encore trouver des volontaires pour occuper
ces postes.
"On a eu cinq ans de mépris de la
part de Jean-Michel Blanquer, cinq ans d’attaque sur les professeurs,
et aujourd’hui on se rend compte que le métier n’attire plus du
tout, qu’on fait face à une crise du recrutement. Mettre en place un
job dating, c’est bien un aveu d’échec", déplore Elie
Guillaume, professeur de mathématiques à Amiens et représentant
syndical de Sud éducation.
Le rectorat relativise, assurant plutôt
que ces recrutements permettront d’attirer "les gens du monde de
l’entreprise" dans l’enseignement, notamment pour les filières
technologiques et professionnelles.
Mais pour Sud éducation, la
multiplication des contractuels participe à la précarisation du
métier. "Je ne vais pas vous dire que je suis inquiet pour le
niveau, parce qu’un contractuel est titulaire au moins d’un bac +3,
et il n’est pas forcément moins bon ou meilleur que nous, précise
le représentant syndical. C’est la précarisation et le manque de
formation qui nous posent problème. Ils ne connaîtront leur
affectation que fin août, voire début septembre. Ils peuvent
enseigner de la 6ème au BTS. Ils l’apprendront au dernier moment,
c’est ultra-violent pour eux, ils n’auront même pas le temps de
prendre leurs marques ni de se préparer. Ils vont se retrouver
devant une classe le 2 septembre sans même avoir appris à préparer
un cours. On leur proposera des formations pendant l’année, mais pas
avant la rentrée, et seulement de temps en temps, peut-être une
journée tous les trois mois. Et tout ça sans savoir s’ils seront
renouvelés l’année prochaine."
À noter que l’académie de Versailles
promet, pour ces nouvelles recrues, une formation théorique de deux
semaines au mois d’août. L’académie d’Amiens n’a quant à elle pas
précisé si une formation similaire était prévue.
Pour Antoine, professeur
d’histoire-géographie dans la Somme, la multiplication des
contractuels s’inscrit dans un projet politique. "S’il y a un
vivier de contractuels important, les chefs d’établissement pourront
choisir qui ils recrutent et choisir de ne pas les garder alors que
les titulaires de l’Éducation nationale eux, doivent forcément être
recasés, estime-t-il. Là, on leur demande de faire des
remplacements de plus ou moins longue durée, mais dans quelques
années, si on manque de titulaires, on aura partout des
contractuels sur du long terme, qui seront sans cesse renouvelés. Au
début, ça ne se voit pas trop, mais à moyen ou long terme, c’est
destructeur."
Il regrette, comme son confrère prof
de maths, le manque d’attractivité de la profession. "Il y a la
question du salaire, de la multiplication des tâches, et aussi celle
de la reconnaissance. On essaie d’être motivés mais c’est très dur
d’être reconnu pour ce qu’on fait. La reconnaissance, on l’a par nos
pairs, par nos élèves surtout, mais de la part de notre direction,
de la plupart des parents et de la société en général, c’est plus
compliqué."
Enfin, il s’interroge sur les
conséquences de la généralisation du statut de
contractuels. "C’est un statut bâtard, qui ne va pas leur
permettre de s’investir dans leur établissement, puisqu’ils viennent
et qu’ils repartent. Monter les projets éducatifs, participer au
conseil d’administration, qui va le faire s’il n’y a que des
contractuels ?", s’interroge-t-il.
Et l’horizon ne semble pas vraiment se
dégager : d’après Élie Guillaume, il y a cette année moins de
candidats admissibles au Capes - le concours qui permet de devenir
enseignant titulaire - que de postes vacants dans certaines matières
comme les mathématiques ou l’allemand. Le recteur de l’académie
d’Amiens assure que tous les élèves auront des professeurs à la
rentrée. Le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye,
ne s’est pas encore exprimé à ce sujet.
Le sujet est même devenu l’un des
thèmes de campagne des élections législatives. Dans notre émission
Dimanche en politique, qui sera diffusée le 5 juin à 10h55 sur
France 3 Picardie, quatre candidats picards ont présenté les
solutions de leurs partis.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/oise/beauvais/un-job-dating-organise-a-beauvais-pour-recruter-des-profs-de-college-et-lycee-ils-vont-se-retrouver-devant-une-classe-le-2-septembre-sans-meme-avoir-appris-a-preparer-un-cours-2554884.html