@Gaspard Delanuit
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Je vous demande (pour bien vous comprendre) de me donner un exemple d’invasion des capacités numériques & technologiques sur les capacités humaines
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Parce qu’il n’y a pas une nouveauté qui a
changé le monde, c’est un phénomène progressif, à petits pas, passif,
insidieux. Et les programmes et technologies, c’est un vaste univers, avec des
points sans rapports évidents entre eux, mais qui contribuent à déposséder les
individus, y compris de leur être.
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- Le QR code covid : obligation pour les
personnels de magasins et restaurants de surveiller une information médicale
que les consommateurs étaient obligés de communiquer.
- Les guichets automatiques : maintenant dans les
aéroports pour livrer son bagage et s’enregistrer : extension de la vie sans
interactions humaines.
- Nos échanges ici et tous nos clics sur Internet
enregistrés dans les data centers : nos vies privées enregistrées,
commercialisées, pour anticiper des démarches marketing, d’ingénierie sociale,
sans compter le contrôle des individus y compris de leurs opinions (une loi
Française est passée, autorisant le suivi numérique du simple activisme
militant, perçu maintenant comme mauvais).
- Le GPT remplaçant possiblement le moteur de
recherche (Google s’en inquiète) : vers la réponse-machine au lieu de
l’exploration des sites avec différentes réponses, nuances, personnalités.
- Exemple de Bardella que j’ai mis en vidéo :
si la copie GTP a été classée 10ème pour le concours de barreau US, je n’aurais
plus besoin d’avocat pour organiser ma défense si litige juridique => Une
vaste panoplie de métiers bons pour la casse alors que tout le monde a besoin
d’un job pour vivre, des humains en rebut, alors qu’une société a vocation a
faire participer ceux qui en vivent.
- Projet de gestion mondiale de la santé (en
tout cas des épidémies), depuis l’OMS : plan sanitaires uniques à protocoles et
médications identiques pour tous les humains, sans prise en compte des
différences métaboliques individuelles des réalités de vies et culturelles différentes,
encore moins de l’automédication, du soin par soi-même. Un type de projet
démiurgique rendu possible avec le numérique, en réactif, impossible avant avec
la paperasserie et la bureaucratie qui auraient été nécessaires. => Vers
l’extinction des généralistes, de l’art de soigner, le génie du métier déplacé
vers l’ingénierie hors sol, dans les labos des bigs pharmas, comme cela s’est
produit dans le monde paysan après guerre, qui a perdu la maîtrise des semences
et de la valorisation des variétés.
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Bref, toutes sortes de ruisseaux qui
convergent vers la société de Technos, remplaçant Demos, à gestion centralisée
à la place d’une société en mode ruche d’abeilles à microdécisions constantes
en écosystème de société.
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Effets : paresse et atrophie intellectuelles,
perte de sa singularité (personnelle, familiale, de la petite communauté), de
sa créativité pour conduire son existence, autisme social et refuge dans le
virtuel, perte du réel, de l’utilisation de ses sens pour le sentir et le vivre,
avec pathologies idéologiques de compensation, liste non exhaustive.
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C’est une tendance ancienne, avec le
consumérisme de masse. Karl Polanyi avait déjà pressenti ce phénomène avec La
Grande Transformation, le désencastrement des humains, dépossédés progressivement
des sociétés dans laquelle ils vivent. Les humains (en tout cas Occidentaux) sont
devenus mûrs pour que le numérique cueille l’affaiblissement des âmes et l’automatisation
des comportements. On peut dire que ce que la révolution industrielle a
commencé, celle numérique va le terminer. Je ne dis pas ici pas ici que le
moteur à explosion et le numérique sont mauvais en soi. Toute invention a son
ambivalence, souvent avec des bénéfices à court terme et des pertes induites se
manifestant à long terme. Je crains que les effets culturels de ces deux
inventions aient généré une puissance qui dépasse les capacités des humains
créateurs, l’effet Frankenstein, si on veut.