@herve_hum
Ceci
n’est pas une contradiction mais une parenthèse sur l’impôt puisque vous l’évoquiez.
Je reviendrai sur l’ensemble de votre propos demain, pour l’heure, j’aimerai vous faire part d’une
analyse historique sur les origines du consentement à l’impôt que j’ai trouvé passionnante.
L’anthropologue
Charles Stépanoff parle dans un papier de la méthode utilisée par les Russes
pour coloniser la Sibérie (cette méthode a aussi été utilisée dans d’autres
lieux par les puissances coloniales occidentales, et même par les romains dans l’antiquité).
Et
il explique que de nombreuses populations autochtones y vivaient sans chefs et ne
connaissaient pas l’Etat, il fallait donc le leur enseigner et leur faire
admettre le principe d’une obligation du paiement de l’impôt. Pas
simple. Comment y parvenir ? Eh bien la réponse des colons a été d’y aller
progressivement en recourant à une technique redoutablement efficace : la prise
d’otages !
Des
membres de ces communautés autochtones étaient saisi de force et enfermés par
les colons dans leurs forteresses. En échange des otages, ils exigeaient des
autochtones des fourrures (la conquête avait pour moteur la soif de fourrures
précieuses dont la société russe était grande consommatrice et exportatrice).
La
particularité du système, c’est que la rançon ne sera jamais définitivement
payée. Le principe fondamental que les Russes cherchaient à enseigner aux
autochtones était celui d’une dette collective inextinguible. Ces derniers
commencent par apporter des fourrures contre la vie de l’individu emprisonné mais
les Russes ne le libèrent pas, ou le font en échange d’un autre otage pour
lequel il faut encore payer. Le processus se poursuis, de semaines en semaines, de mois en mois, parfois d’année en année, jusqu’à ce que les autochtones comprennent
que la rançon ne sera jamais soldée. Et là leur vient une
idée : ils demandent aux Russes s’il est possible de pouvoir continuer à
la payer, mais sans avoir à livrer d’otages.
Et
là, les Russes l’acceptent volontiers et sont ravis car ils constatent alors
que les autochtones ont intégré le principe : l’impôt est une rançon à
payer indéfiniment, même lorsqu’il n’y a plus d’otage.