Tourisme sexuel et protection de Ben Ali : quand Ruquier, Caron et Polony évitent de poser les questions qui fâchent à Frédéric Mitterrand
« La solution Maghreb ». Découvrez comment Frédéric Mitterrand, ancien ministre devenu interviewer sur France Inter, a délibérément menti, devant près de deux millions de téléspectateurs, au sujet de sa proximité passée avec le clan Ben Ali.
- Pendant votre mandat, ont lieu les révoltes en Tunisie, un pays auquel vous êtes très attaché. Ça se ressent dans votre livre.
- Je suis « tunisifié », c’est normal. Mais je ne pouvais pas faire plus. Cela dit, j’ai un peu dit une connerie quand j’ai dit que ce n’était pas une « dictature univoque ». En même temps, c’est vrai, ce n’est pas Bachar el-Assad, Kadhafi, ou Hussein. Il n’a pas tué, il a volé.
Tels sont les mots employés avant-hier par Frédéric Mitterrand lors de son entretien avec le journaliste du quotidien 20 minutes.
L’ancien ministre de la Culture effectue actuellement la promotion médiatique de son dernier ouvrage consacré à son immersion antérieure dans la vie politique aux côtés de Nicolas Sarkozy.
Une semaine auparavant, l’homme enregistrait une longue interview complaisante sur le plateau de l’émission On n’est pas couché de France 2. En hausse d’audience, le talk-show avait alors réuni 1 753 000 téléspectateurs.
Interrogé brièvement (à 42’35) sur son rapport à la Tunisie, l’écrivain a proféré, sans être contredit, un grossier mensonge doublé d’une omission.
- Le mensonge : à propos de ses relations avec les Ben Ali, Frédéric Mitterrand a ainsi affirmé (à 43’23) n’avoir jamais eu de « contact » avec le couple au pouvoir de 1987 à 2011. C’est faux : dans un entretien exclusif accordé -en juillet 2012- au Parisien, Leila Trabelsi, épouse de l’ancien président tunisien, avait rendu hommage à l’ex-ministre, « le seul » à les avoir « soutenus jusqu’au bout ». Frédéric Mitterrand, décoré à deux reprises par Zine el-Abidine Ben Ali, avait également obtenu la nationalité tunisienne. Au lendemain de la chute du despote contraint à l’exil, il avait affirmé ne pas l’avoir sollicité. « Il se trouve que, sans doute peut-être, le régime a essayé de me récupérer en me donnant la nationalité, mais je n’ai pas fait de compromis, aucun », avait alors assuré Mitterrand sur France Inter.
Or, c’est, là aussi, une contre-vérité : début 2012, deux journalistes de Mediapart avaient révélé qu’il avait lui-même demandé la nationalité tunisienne à son ami Abdelwahab Abdellah -un pilier du clan Ben Ali- afin de pouvoir réaliser une transaction immobilière sur place.
- L’omission : la proximité de Mitterrand avec l’appareil d’Etat tunisien a-t-elle favorisé son impunité au regard de la loi locale, particulièrement répressive, en matière de relations sexuelles tarifées ? A ce sujet, le passage suivant est éloquent.
« L’échange paraît facile… mais la transgression est absente. On sert de femme de remplacement et de livret de caisse d’épargne ; les beaux gosses arrivent comme au sport et pour financer l’électroménager de leur futur mariage avec la cousine choisie par leur mère… ce sont les familles qui mènent le jeu et gagnent à tous les coups… de vieilles folles compulsives y trouvent leur avantage… puis les garçons disparaissent d’un seul coup… la fatigue ne vous donne plus très envie de continuer ».
En ces termes, Frédéric Mitterrand dévoilait la face obscure de son amour pour la Tunisie. C’était en 2005, à l’occasion de la parution de son ouvrage intitulé « La mauvaise vie ». Ce récit crû et mélancolique relatait alors les expériences transgressives d’un esthète voyageur en mal de sensations fortes. Ainsi, à défaut de pouvoir s’aventurer dans les bordels d’Asie du Sud-Est, le narrateur admettait recourir à une alternative plus commode : la « solution Maghreb ». Fin 2009, lors de la révélation médiatisée de passages faisant état de relations avec des « garçons » en Thaïlande, le journaliste de L’Express Jérôme Dupuis s’était livré à une analyse détaillée du récit. A propos du passage concernant la Tunisie, son commentaire fut explicite : « Ce qu’il appelle crûment la "solution Maghreb" (comprendre le tourisme sexuel en Afrique du Nord) serait une impasse, car les compagnons d’une nuit ne souhaitent pas le suivre en France. "Le minet n’immigre pas", conclut-il avec regret… ».
Mauvaise passe
Plus loin, le critique littéraire renchérissait : « C’est pourtant un chapitre consacré à la Tunisie qui, peut-être, suscite chez le lecteur la plus grande gêne. Frédéric Mitterrand y raconte, en une scène déchirante, comment il emmène vivre avec lui à Paris un garçonnet tunisien, l’arrachant à une mère évidemment consentante mais éplorée. Pour l’éducation de ce "fils adoptif", le ministre se démène sans compter et se prive de vie mondaine. L’enfant, turbulent, lui mène la vie dure, arrachant à Frédéric Mitterrand cette réflexion – où comme toujours la franchise ouvre directement sur l’inconscient : "Je me demandais parfois si je serais capable de me donner tant de mal pour une petite fille. Les garçons touchaient évidemment à quelque chose de plus intime et de plus ambigu – quoique…" ».
[lire la suite de l’article sur PANAMZA]
Tags : Politique Tunisie Sexualité
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