... La nouvelle maçonnerie avait beau reprendre quelques symboles des
corporations médiévales comme l’équerre et la truelle, elle n’avait pas
grand-chose à voir avec la maçonnerie opérative, contrairement aux
versions plus ou moins officielles diffusées à l’attention du grand
public. Au début du XVIIIe siècle, Desaguliers et Anderson ont bâti une
légende à partir de la Bible et de textes anciens pour dorer leur
organisation naissante. Ils lui ont inventé des racines fabuleuses
remontant à Adam et Ève, en passant par l’Arche de Noé, le Temple du roi
Salomon, les corporations d’artisans en Égypte dépositaires de savoirs
de l’Antiquité... Un conte de fées pour grands enfants avec comme
personnage principal un dénommé Hiram dans le rôle de l’architecte et un
décorum emprunté à la tradition rabbinique dans le sens d’un
commentaire sur Jackin et Boaz, les deux colonnes érigées dans le
vestibule du Temple de Salomon.
Ceci vaut essentiellement pour l’Angleterre. La nouvelle maçonnerie anglaise a été importée en France vers 1725 (Bordeaux, Dunkerque et Paris), les loges ne possédaient aucun lien de parenté avec les organisations professionnelles françaises de bâtisseurs, tel le compagnonnage. En 1736, le Chevalier de Ramsay a plutôt inspiré la rédaction de hauts grades avec une ascendance plus noble puisée chez les templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, renouant non seulement avec leurs rituels, mais les reliant à la légende du Temple d’Hiram. Les soi-disant secrets disparus des templiers alimentaient les fantasmes et l’idée de leur condamnation injuste représentait un moyen détourné pour contester la monarchie absolue. Cinquante ans plus tard, c’était la Révolution dite française...