@Latigueur
- J’ai cru percevoir une référence au mythe rousseauiste du bon sauvage.Ce
bon sauvage qui serait perverti par nos sociétés modernes et vivait sans maître
ni esclave loin des vices de l’échange marchand. Rien, dans aucune étude
anthropologique, n’est venu en attester la réalité.
------> Cela méritait une réponse à part.
Je crois qu’il existe un mythe de Rousseau
décrivant le bon sauvage, on l’a caricaturé, il dit très clairement et à
plusieurs reprises que le sauvage n’est ni bon ni mauvais. Par ailleurs, il
faut savoir que beaucoup d’anthropologues ont confirmés certaines intuitions de
Rousseau sur le sauvage comme Claude Lévi Strauss, Sahlins ou Pierre Clastre, N’entrons
pas dans ce débat du bon sauvage chez Rousseau trop intellectuel et abstrait à mon gout.
Partons plutôt du matériel anthropologique :
-Plus haut, vous avez parlé de société complexe. J’ai
été très prudent en parlant de complexité technique et de la division et spécialisation
du mode de production. Parce que complexité
sociale et complexité technique sont deux choses différentes.
Les sociétés primitives sont simples
techniquement mais très complexes socialement. Elles sont organisée autour de
clans, de sous clans totémique dont les règles d’appartenance sont d’ une telle
complexité qu’ elles ont parfois nécessité l’ élaboration de modèles mathématiques
pour les chercheurs.
Elles ne sont pas organisées suivant les règles
du territoire (ce qui est certain pour la plus rudimentaire d’ entre toutes ces
formes d’organisation primitive, celle des chasseurs cueilleurs nomades) mais
sur celui de la parenté, l’individu est au centre d’un immense réseau social
intriqué et mouvant.
Une chose importante : c’est parce qu’elles se caractérisent par une concentration minimale du
pouvoir qu’elles s’avèrent complexes socialement, la parenté étant le lien
politique majeur.
C’est un phénomène que l’on retrouve sur tous les
continents, que ce soit les aborigènes d’Australie, les San d’ Afrique Australe,
les Inuits, les amérindiens d’Amazonie.
C’ est l’ émergence de la propriété privée , de la spécialisation
du mode de production et de l’ Etat qui vont simplifier cette complexité
sociale : l’ existence d’ une hiérarchie susceptible de régler les conflits et d’
apaiser les relations entre les individus font que le lien de parenté n’ est
plus au centre des communautés. Il peut donc se simplifier.
Pourquoi le bon sauvage n’existe pas ?
Simplement parce que ces communautés primitives connaissaient très bien les
processus de vampirisation que j’ai décrit dans cet article et qu’en
conséquence elles ont élaborées de touffus systèmes juridiques encrés dans la
mémoire des anciens pour empêcher son émergence.
Il n’y a donc pas le mauvais civilisé d’ un coté et
le bon sauvage de l’autre : il y’ a d’ un coté des hommes qui vivent dans
un contexte ou la conflictualité est structurelle et au centre des relations
sociales et de l’ autre des hommes qui vivent dans un contexte ou la conflictualité
est épisodique.