Un article scientifique et sobre (avec toutes les petites notes et renvois qui exaspèrent certains) pour mettre en perspective la notion "d’extermination des Indiens" et qui a l’immense qualité d’éviter le double écueil de la dénégation et de la facilité :
http://amnis.revues.org/908
Nombreuses sont les sources qui usent de l’expression « génocide
indien » pour qualifier la destruction des populations indigènes du
continent américain depuis l’arrivée des Européens. Or il s’avère que
les massacres des populations amérindiennes ne sont pas à ce jour
officiellement recensés parmi les génocides identifiés par
l’Organisation des Nations Unies. Beaucoup s’indignent vivement devant
cette injustice, d’autres justifient cette situation par une analyse
moins strictement émotionnelle des étapes de la disparition des
populations. Nous assistons ici à l’opposition entre deux visions de
l’histoire, deux utilisations du passé. La première trouve une
justification morale dans le devoir de mémoire et dans la loi (la
Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression des
crimes de génocide de 1948) ; la seconde trouve une argumentation
scientifique dans une vision ethnologique selon laquelle s’il y a eu
incontestablement crime contre l’humanité à l’égard des populations
indigènes d’Amérique, on peut néanmoins y voir, au-delà de la prise en
compte de la souffrance des victimes, des méthodes relevant davantage de
l’ordre de l’ethnocide que du génocide. La différence entre ces deux
derniers concepts se situe non pas dans le nombre de victimes -
incalculable dans les deux cas - ni dans l’objectif ultime – identique -
mais dans les moyens. Si le terme de « génocide » définit la
destruction physique des peuples, celui d’« ethnocide » décrit pour sa
part la destruction des différences culturelles, « la dissolution du
multiple dans l’Un », comme l’indique Pierre Clastres. Cet article
propose d’explorer les arguments utilisés dans cette controverse en
tentant de démêler ce qui relève de la recherche légitime d’une
reconnaissance juridique de la souffrance et de la mémoire, de ce qui
relève tout aussi légitimement d’une analyse scientifique et historique
des événements.