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Accueil du site > Tribune Libre > Qui est le plus utile : un trader ou une aide-soignante ?

Qui est le plus utile : un trader ou une aide-soignante ?

Qu’est-ce qui est le plus utile : un publicitaire ou une caissière ? Auxiliaires de vie sociale, infirmières, caissières, livreurs… On va leur offrir quoi, à la sortie de la crise ? La « reconnaissance de la Nation » ? Ou de plus hauts salaires, et de meilleurs horaires ?

Tags : François Ruffin




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3 réactions à cet article    


  • 1 vote
    maQiavel maQiavel 24 avril 2020 15:54

    Excellente intervention de Ruffin, notamment sur ces salariés précaires qui tiennent en ce moment la société à bout de bras et sur les délocalisations.

    « Qu’est-ce qui est le plus utile : une aide soignante ou un trader ? »

    Dans un système comme le nôtre, cette question n’a pas de sens. Simplement parce que notre système n’a pas de sens, il est refermé sur lui-même et n’a d’autre finalité que sa propre survie, quand on ne pense que dans le cadre de ce système autotélique, la question du sens elle-même n’a pas de sens puisque tout est circulaire et systémique. Les personnes qui ne pensent qu’à l’intérieur de ce cadre absurde pourront ergoter à l’infini sur l’utilité des traders sans arriver à une quelconque conclusion. Pour répondre à cette question, il faut produire collectivement du sens. Et pour ce, il faut revenir aux fondamentaux du politique en s’assignant une fin commune, considérée comme un bien et poursuivie en tant que telle par la communauté de destin. Et là, en fonction de la finalité qu’on définit, cette question ne se pose même plus tellement la réponse est évidente. Simplement parce que les priorités sont hiérarchisées (ce qui semble surprendre cette sotte de journaliste ).

    En attendant qu’on fasse sortir la politique des eaux glacées du management et du paradigme cybernétique, on apprend que tous les salariés de la grande distribution ne recevront pas de primes. Alors même que ces entreprises de la grande distribution reçoivent de l’aide de l’Etat pour amortir la crise.


    • vote
      beo111 beo111 24 avril 2020 16:28

      Putain les mecs ils sont encore en mode CETA über Alles, ce qui dénote la mauvaise foi évidente de Macron lorsqu’il parle de relocalisations.


      • 6 votes
        Joe Chip Joe Chip 24 avril 2020 19:24

        Bon, mettons aussitôt de côté les indignations factices et la fausse naïveté. Dans le fonctionnement normal du capitalisme, ce n’est pas "l’utilité" qui détermine la valeur d’un objet ou le montant du salaire versé à un producteur, mais la rareté et la valeur ajoutée. 

        De ce point de vue, le travail de la caissière apporte une très faible valeur ajoutée au produit vendu puisque le capitaliste part du principe que ce métier ne requérant pas de compétences très spécialisées ou qui demandent une longue phase d’apprentissage, peut être exercé par à peu près n’importe qui. En revanche, le joli paquet représentant un paysage stylisé de campagne qui attire le consommateur tout en le rassurant subjectivement sur la qualité du produit qu’il va acheter apporte donc — dans le cadre de l’économie de marché — une plus grande valeur ajoutée. Mais pour concevoir ce paquet, il faut avoir recours à des compétences plus rares au sein de la population active ou plus longues à maîtriser que celles de caissière. Le capitaliste qui a les sous et qui est chargé de les répartir dans le système de production va donc rémunérer davantage le graphiste et le concepteur marketing qui ont élaboré le paquet "inutile" que l’ouvrier qui met le produit "utile" dans le paquet la caissière "utile" qui le vend. 

        Injuste ? En temps normal, non. S’il fallait rémunérer l’ouvrier et la caissière en fonction de "l’utilité" de leur travail et non de la valeur ajoutée de leur travail, les coûts de production exploseraient puisqu’il y a beaucoup plus de caissières que de graphistes. En outre le capitaliste auraient d’autres effets négatifs à gérer : le graphiste, constatant que ses 5 années d’étude en design ne lui ont servi à rien par rapport à une caissière qui gagne autant que lui, se démotiverait ou renoncerait à exercer ou entretenir ses compétences qui disparaîtraient peu à peu du marché du travail. Les marques finiraient par leur tour à disparaître au profit de produits standardisés produits par le gouvernement. Les pénuries apparaîtraient dans les supermarchés car les produits les plus courant et les plus utiles coûteraient alors paradoxalement une fortune — comme dans les anciens pays communistes. Je me souviens que ma cousine envoyait des denrées et des produits à un petit correspondant roumain, qui dans ses courriers mêlés aux remerciements demandait des choses aussi basiques que des brosses à dents, du chocolat et des produits cosmétiques peu disponibles ou coûtant une fortune dans son pays du fait des pénuries en tout genre. 

        Et nul doute que ce petit roumain enviait le bonheur des petits rejetons du capitalisme et de la société de consommation gavés de céréales, de sodas délicieux, de yaourts aux vrais fruits, etc. Personnellement, j’ai pris conscience de tout cela en voyageant dans les pays de l’Est avant leur entrée dans l’UE. Tout ce qui me semblait factice et superficiel était au contraire grandement valorisé dans ces pays. Il y avait un désir effréné de consommation de produits médiocres mais associés à la "liberté" et au mode de vie de l’Ouest, une vénération de tout ce qui touchait de près ou de loin aux Etats-Unis, et dans le meilleur des cas les gens répondaient par une circonspection polie à mes réserves sur le consumérisme. Privés de tout, ils ne pouvaient entendre que des rayons de supermarchés remplis de merde colorées n’avaient pas que des avantages.  

        Si l’on veut même être un peu cynique on peut dire que dans de nombreux cas l’inutilité sera payée plus cher que l’utilité dans un système capitaliste. La plupart des loisirs sont par définition inutiles. L’innovation est aussi inutile : aller sur la lune ne servait à rien. La vraie question qu’il faut se poser, c’est "Qu’est-ce qui est utile ?" et son corollaire politique "Qui définit ce qui est utile ou non ?"

        On peut définir que ce qui est utile comme ce qui est nécessaire. Dans ce cas, pas besoin de capitalisme, le gouvernement peut facilement définir les besoins de base de la population - alimentation, hygiène, espace habitable, loisirs de base  et y pourvoir. Malheureusement, l’expérience montre que le seul moyen d’imposer durablement de telles conditions de vie est de suspendre la plupart des libertés individuelles, puisque la subjectivité individuelle et le besoin de distinction inhérent à l’être humain ne peuvent interférer dans ce genre de système utilitariste et égalitariste. 

        Donc je suis tenté de répondre à Ruffin que sa question est d’ordre purement rhétorique. Dire qu’une caissière est plus utile qu’un trader, ça ne veut pas dire grand-chose, puisque la réponse à apporter à cette question dépend évidemment du contexte économique global et des circonstances. En période de crise sanitaire, les priorités sont évidemment différentes, certaines fonctions redevenant temporairement plus "utiles" que d’autres. Mais à priori on ne pas va vivre en permanence en état de crise sanitaire et donc les démons de la rareté et de la valeur ajoutée vont revenir très bientôt s’imposer à nos dirigeants qui pour le moment ne prennent aucun risque à faire de la démagogie en annonçant que le "monde de demain" sera plus juste et égalitaire.

        En outre, si on se met à la place d’un capitaliste en ce moment, à mon avis il n’est pas en train de se demander comment il va faire pour augmenter de 5% le salaire de ses caissières mais plutôt comment il va procéder pour remplacer les caissières par des caisses automatiques et des robots, comme ça, si le coronavirus repointe chaque année le bout de son nez, on n’aura pas besoin de s’embarrasser avec tous ces masques et toutes ces feignasses qui ne veulent pas risquer leur peau pour un smic.  

        Enfin moi, si j’étais un salaud capitaliste, c’est comme ça que je raisonnerais.

        A mon avis il serait beaucoup plus intelligent en ce moment de ramener le sujet du revenu de base ou revenu universel, ce serait en tout cas plus pertinent que ce marxisme de bas étage et cette démagogie utilitariste sachant que le marxisme est un productivisme au même titre que le capitalisme. Il ne répond en rien à la crise sanitaire, à la crise environnementale, à la crise énergétique, et encore moins à la crise morale qui se profilent.



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