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Commentaire de iakin

sur Débat entre Etienne Chouard et Yvan Blot sur la démocratie réelle


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iakin 29 octobre 2011 04:20

Elle est pas mal cette vidéo... c’est marrant de voir des gens qui ont des convictions, ou plutôt des références intellectuelles, de gauche et de droite discuter ensemble comme ça, en écoutant et en essayant de comprendre pourquoi l’autre dit ce qu’il dit.
 
Sinon, à propos de la démocratie directe, je trouve évidemment de nombreuses choses intéressantes dans ces discussions, mais personnellement je suis toujours un peu étonné que des points qui posent problèmes soient systématiquement évités. J’ai l’impression qu’il a une sorte d’émerveillement de la part de beaucoup de monde à ce sujet qui rend du coup les remises en question difficiles.
Et quand on critique, on passe alors directement pour un adversaire, pour quelqu’un "du système" qui a intérêt à ce que les choses restent comme elles sont.
 
Il y a pourtant des choses qui posent problèmes :
 
- C’est une critique que j’ai déjà faite auparavant sur un autre billet. Chouard prend systématiquement la démocratie athénienne en exemple pour défendre l’idée du tirage du sort, mais il faut se rendre compte qu’à cette époque les citoyens athéniens étaient des hommes libres, c’est à dire qu’ils avaient des terres et des esclaves pour travailler à leur place. Ils ne dépendaient de personne pour vivre et ils pouvaient ainsi se consacrer entièrement à la vie de leur cité.
Ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Évidemment nous sommes dans une fausse démocratie, où les comptes de campagne sont plus importants que les projets politiques pour être élu. Et je suis particulièrement d’accord sur le fait que c’est justement les gens qui sont intéressés par le pouvoir qu’il faudrait écarter du pouvoir.
Seulement serions-nous capable, en prenant des gens au hasard parmi nous, de rédiger la constitution de notre pays ? Le conformisme dans notre société est tout de même sidérant, je pense que tout le monde en convient, et je ne veux pas dire par là que les gens sont des abrutis, mais qu’ils sont dominés. Nous sommes poussés à nous conformer depuis notre enfance pour nous adapter à des rapports sociaux où il va falloir accepter la place qu’on voudra bien nous donner, tout en nous convainquant que nous avons voulu ce qui nous arrive.
 
- Le deuxième point rejoint un peu le premier, c’est que je suis surpris comme ceux qui perçoivent la démocratie directe comme la solution à la plupart de nos problèmes, mettent toujours de côté les questions idéologiques. Comme si les divergences politiques n’existaient que chez les élites.
Il y a bien pourtant dans la population des gens qui sont plutôt libéraux, d’autres plutôt communistes, ou anarchistes ou nationalistes. Laisserions nous le hasard déterminer quel serait le courant majoritaire dans une assemblée constituante ?
Alors bien sûr, les véritables idéologues sont minoritaires dans la population, mais une minorité suffit amplement à emporter une assemblée sans conviction. C’est ce qui se passait à l’Assemblée nationale après 1789 par exemple, où une grande partie suivait tour à tour la minorité la plus puissante, l’Assemblée fut un coup dominée par les girondins, puis par les jacobins, puis par les conservateurs...
Il me semble qu’il y a comme une erreur à concevoir la démocratie comme une fin en soi. Évidemment que c’est un élément primordial, surtout pour le long terme, mais la question principale qu’il nous faudrait régler tout d’abord c’est la forme de société dans la laquelle nous voulons vivre, non ?
J’ai l’impression qu’il y a comme une volonté d’éviter ce problème principal, et à le mettre de côté comme après un constat d’échec, chez ceux qui mettent la démocratie directe au dessus de toutes les autres préoccupations.
 
- Enfin, dernier point, la démocratie directe et locale pose un autre problème, que Chouard et Blot évacuent trop vite en se moquant du jacobinisme. Si la souveraineté devenait tout d’abord locale, avant d’être nationale, cela créerait inévitablement un accroissement des inégalités entre les régions.
Si une région possède un avantage sur les autres, un puits de pétrole par exemple, ou de grands champs fertiles, que ces voisins n’ont pas, qu’est-ce qui pousserait la population à partager avec ses voisins et avec toute la nation ? Leur intérêt serait au contraire de ne pas le faire.
On peut critiquer la centralisation nationale du pouvoir, mais c’est pourtant elle qui rend possible une égalité au sein de la population (je ne dis pas qu’elle existe actuellement), car les ressources ne sont malheureusement pas réparties de manière égalitaire.
Les jacobins n’ont pas inventé la république "une et indivisible" avec les mêmes lois pour tous pour rien... c’est que dans leur projet de société c’est l’égalité qui créé la liberté et non le contraire, comme le pense les libéraux par exemple.
 
Voilà, ce sont des critiques importantes et malheureusement je manque de temps pour essayer d’apporter des idées plus constructives sur ces points là. C’est aussi que mes convictions me font penser que nous aurions tout d’abord besoin d’un parti d’avant-garde, qui mènerait des réformes sociales et médiatiques très importantes, et que ces questions sont au moins aussi importantes que la démocratie directe, qui, à mes yeux, seraient plutôt un moyen de conserver ces réformes plutôt qu’un but ou un idéal en soi.
On a tendance à l’oublier je trouve, mais le suffrage universel direct a tout de même été une nette avancée démocratique par rapport aux régimes précédents, cela devait sembler plus que révolutionnaire à l’époque... et voyons ce que nous en faisons aujourd’hui. Quand on voit pour qui vote la majorité des gens il y a de quoi s’effrayer. J’adhère assez à au courant du socialisme historique qui proclame que quelque soit les institutions il ne peut pas y avoir de réelle démocratie sans répartition des richesses. Sans cela nous faisons voter sur un prétendu pied d’égalité des gens qui ont suffisamment d’argent pour avoir du temps libre, pour s’instruire, pour s’informer et penser, et de l’autre des gens qui sont écrasés par leurs conditions de travail, angoissés par le chômage, et humiliés par la société.


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